Vincenzo Chilone représente le bassin de Saint-Marc de la sortie du Grand Canal vers l'île de San Giorgio Maggiore. A droite la douane de mer est sommée de la figure allégorique de la fortune qui, tenant dans sa main un gouvernail, varie au gré des vents. Au centre de la composition la façade de l'église San Giorgio Maggiore s'impose solennellement. Sa façade est restée inchangée depuis sa construction sous la direction de l'architecte Andrea Palladio à partir de 1565. Cependant Vincenzo Chilone se révèle un original continuateur des vedutistes du XVIIIe siècle puisqu'il actualise dans son œuvre d'importantes modifications intervenues à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle.
Le campanile de San Giorgio avait au XVIIIe siècle un clocher bulbeux dont témoignent de nombreuses œuvres de Canaletto et Guardi. En 1774 le campanile s'écroulait provoquant d'importants dégâts : le dortoir du cloître qui jouxte l'église fut détruit ainsi qu'une partie du chœur de l'église et sa sacristie.
Le nouveau campanile, dessiné par le frère et architecte Benedetto Buratti, originaire de Bologne, est achevé en 1791 ; il s'agit de l'actuel campanile, celui-là même que représente Chilone dans notre tableau. Durant la période napoléonienne, sur le versant nord de l'île fut créée la Darsena séparée du bassin de Saint-Marc par un quai et des magasins de service. L'artiste représente cette nouvelle installation portuaire au sein de laquelle l'on distingue le guichet en pierre d'Istrie et plusieurs grands voiliers. Parmi les grandes modifications voulues par Napoléon figurent aussi les Giardini, jardins publics plantés dans la partie Est de la ville et visibles en arrière plan à gauche de la composition. Une voile latine battant pavillon autrichien témoigne de la domination de l'Empire des Habsbourg. Malgré cette présence étrangère, la vie semble s'écouler avec une perpétuelle douceur.