TRES BEAU CARNET DE CROQUIS [260 x 350 mm], 34 pp., plats carton gris, chemise cartonnée. La plupart des pages sont occupées par des dessins ou des annotations manuscrites, au crayon à dessin ou à l'encre brune ou rouge.
DATATION. La rédaction de la majorité des textes date entre janvier 1926 et octobre 1927. Sur la première page, d'une part, le poète évoque le "dimanche de la mort" de son ami André Grange (p. 1), mort effectivement un dimanche, le 24 janvier 1926. D'autre part, certains des textes sont forcément antérieurs à la date de leur publication, en octobre 1927 dans "Opéra. Oeuvres poétiques 1925-1927". Par ailleurs, Cocteau mentionne au dos du premier plat la ville de Villefranche-sur-Mer (chez un certain d'un certain "Adolphe Ragelli, dit Coco-Bel-Œil") qu'il découvrit en 1924 et où il séjourna plus longuement entre 1925 et 1926. Quant à la date de 1921, elle se réfère à un texte écrit antérieurement ("Cette pièce […] date de 1921", p. 22).
ENVIRON 40 DESSINS ORIGINAUX, illustrant 14 pp., souvent en pleine page, au crayon, ou à l'encre sépia, avec rehauts d'encre rouge. On compte surtout des portraits de JEUNES HOMMES de profil, plusieurs de la même personne, très certainement André Grange, qui aurait dû avoir 20 ans à l'époque de la rédaction du carnet ; la première apparition de ce profil, p. 1, coïncide d'ailleurs avec un texte sur la mort du jeune homme. Cocteau a aussi dessiné deux plongeurs, un serveur de café, deux personnages en habits XVIIIe s. Trois dessins sont particulièrement stylisés : joueur de guitare (p. 12), tête (p. 21) et homme nu (p. 23). Etudes d'expression (p. 32).
MANUSCRITS : PREMIERS JETS du recueil OPERA. 18 pp. portant des inscriptions manuscrites, au crayon. Nombreuses ratures et corrections, etc. On assiste à la création poétique, aux recherches de sens et de sonorités : très nombreux jeux de mots, déclinés pour trouver la meilleure combinaison (cf. la variation sur "Art" en couverture : "Lard de la graisse, L'art évolution, L'art résolution, Lard poétique de la graisse, Lard ou la graisse, Gévith (lard d'émaux)"). Amusants sont aussi ces autres jeux de mots, bien dans l'esprit d'Opéra : G touchant G (i.e. "j'ai tout changé"), Oedi-proie, L'auto des fées, avoir-papier n'avoir pas pied, etc. Réflexions à propos de Michelet ("formidable opinion de Michelet sur les américains", parle du "Crime contre Dieu, contre nature. Il sera expié par la stérilité d'esprit", "Comment voulez-vous, par exemple, que je renonce à Michelet sinon par comédie…"), Rimbaud ("Rimbaud est un communard…"), Max Jacob et Radiguet.
Certaines pièces, à notre connaissance, sont INEDITES ("Où est ma patrie ? / Elle est partie / Où est le ciel ? / Il est au ciel / Où est la terre ? / Elle est par terre / Et l'eau ? / En haut."). D'autres sont des ébauches, souvent très raturées, de pièces qui formeront "Opéra". Parmi celles-ci, on notera, par exemple : "Blason oracle" (couverture), "Trousse contenant 12 poésies de voyage" (p. 7), "Prairie légère" (p. 17), "Fin de Royauté" (p. 20, particulièrement surchargé de modifications, ici dans une version bien plus longue que celle publiée), "Cocasseries tragiques du sommeil" (pp. 21-22). Ces manuscrits offrent souvent d'INTERESSANTES VARIANTES par rapport au texte publié, des variantes d'ailleurs plus longues que le texte définitif ; cf. l'esquisse d'un poème de la "Trousse contenant 12 poésies de voyage" : "C'est un fait la Grèce frise / Des Chevaux frisés ont ses frises / Et ses colonnes des frisons / Marbres et pierre sur la maison / [Frisent comme la Foison / Et parfois Minerve surprise / En vieux précepte se déguise : biffés] / Frisent à toutes les saisons / Et que Minerve se déguise /Elle met une barbe grise", est réduit dans la version publiée d'Opéra à : "La mer et la Grèce frisent. / De Jason frisait la toison ; / Chevaux bouclés avaient les frises, / Et les colonnes des frisons."
Un certificat d'authenticité de Mme Annie Guédras est joint ; cet expert nous a suggéré l'identification des portraits de jeune homme avec A. Grange.