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GAULLE Charles de.
3 L. A. S., [Modlin] 7, 18 et 25 juin 1919, à ses parents Henri et Jeanne de GAULLE à Paris ; 4, 4 et 8 pages in-8, enveloppes jointes.
Estimation :
4 000 € - 6 000 €
Vendu :
3 936 €

Description complète

GAULLE Charles de.
3 L. A. S., [Modlin] 7, 18 et 25 juin 1919, à ses parents Henri et Jeanne de GAULLE à Paris ; 4, 4 et 8 pages in-8, enveloppes jointes.

Sur l’état de la Pologne, et sur la signature et les conditions de la Paix.


7 juin, à son père. Il commence par évoquer la promotion sans concours de l’École de Guerre dans laquelle il ne croit pas sérieusement être pris. Ses élèves n’arrivent toujours pas. De fait, il cherche à rejoindre « l’État-major du 3e Corps d’armée polonais, 2e bureau (opérations) ». Il considère que « l’armée Haller (dont l’État-major est lui-même français aux trois quarts) représente une force vraiment sérieuse, et fort capable le cas échéant de refouler les Bolcheviks ou de contribuer à calmer les Boches. Pour le moment quelques-unes des divisions Haller, apparues en Galicie, progressent sans effort contre les Ukrainiens, dont l’armée polonaise de Pilsudski ne parvenait pas à se dépêtrer. »

 

Il termine par cet amer constat : « Tandis que quinze cents officiers français combattent, ou s’apprêtent à le faire, dans les rangs des troupes polonaises, accourent à Varsovie des Américains, des Anglais et des Italiens ! qui y promènent leur insolence et leur inutilité. Ils font partie de vagues missions dont la tâche la plus apparente, mais non avouée, est de nouer des affaires de toute espèce. Tout ce monde est bien entendu cousu d’or, par opposition aux Français, dont la cherté incroyable de la vie ici a vite fait de réduire la double solde. Ainsi que la plupart de mes compatriotes, je finis la guerre, débordant des sentiments d’une xénophobie générale, et pénétré de la conviction qu’il faut revenir pour nous faire respecter à l’emploi raisonné de notre force militaire, aujourd’hui la première du monde »…


18 juin, à sa mère. Il commence par évoquer la grève générale en France, en pensant

« qu’il y a au fond de ce mouvement beaucoup de vilaines intentions et très probablement de sournoises menées des pseudo-socialistes Allemands, actuellement au pouvoir chez l’ennemi », mais que le gouvernement de Clemenceau et les maréchaux conservent leur prestige et leur influence, repoussant ainsi le risque d’un mouvement révolutionnaire sérieux. Mais « il est de la dernière urgence de signer la paix ou de reprendre la guerre si l’ennemi se refuse à se plier à nos volontés. Il faut convenir que les journaux allemands que je lis affirment que les conditions de l’Entente sont inacceptables et ne seront pas acceptées. Mais je connais cette chanson pour l’avoir entendue au moment de l’armistice et sur le même ton. Pourtant ils ont signé l’armistice, et mon avis est qu’ils signeront aussi la paix avec force larmes et protestations »…

 

25 juin à sa mère. « Voici donc la paix signée. Il reste à la faire exécuter par l’ennemi, car tel que nous le connaissons, il ne fera rien, il ne cédera rien, il ne paiera rien, qu’on ne le contraigne à faire, à céder, à payer, et non pas seulement au moyen de la force, mais bien par la dernière brutalité. C’est le seul procédé à employer à son égard. Ses engagements sont une fumée, sa signature une mauvaise plaisanterie. Heureusement nous tenons, et il nous faut absolument garder, la rive gauche du Rhin. Les motifs d’y demeurer ne manqueront certes pas, car je ne crois pas une seconde à des paiements sérieux d’indemnités de la part de l’Allemagne. Non pas certes qu’elle ne puisse payer, mais parce qu’elle ne le veut pas. Nous allons donc nous heurter de suite à toute cette science de chicanes gémissantes, de délais prolongés, d’entêtements sournois, qui est la plus claire aptitude de cette race. […] Au fur et à mesure des années, l’Allemagne se redressant deviendra plus arrogante, et finalement ne nous paiera pas à beaucoup près ce qu’elle nous doit. Il faut craindre du reste que nos alliés ne soient d’ici à très peu de temps nos rivaux et ne se désintéressent de notre sort. La rive gauche du Rhin devra donc nous rester »…

 

Il serait étonné de voir aboutir sa proposition pour la Légion d’honneur : « On vient de me faire demander du QG (1er Bureau, Décorations) si mes blessures équivalaient à la perte de l’usage d’un membre. Naturellement j’ai répondu que non… »

 

En Pologne, c’est le calme plat : « les combats contre les Ukrainiens ou les Bolcheviks ne sont qu’une aimable plaisanterie. Chaque parti y avance à son tour sans pertes ni dommages. Il est exceptionnel que quelqu’un y soit tué ou blessé. L’armée Haller maintenant assez nombreuse, commandée et encadrée par des Français et bien fournie de matériel, est le seul élément militaire sérieux existant entre la Prusse et la Sibérie. Elle apparaît donc aux ministres et généraux d’ici comme une empêcheuse de danser en rond, et on redoute d’elle par-dessus tout une victoire retentissante qui pourrait avoir comme contre-coup quelque coup d’État. Aussi n’a-t-on qu’une idée : la disperser aux quatre coins du pays pour l’empêcher d’agir sérieusement, et on y arrive en effet. La mission française fait de grands efforts pour prendre en main la direction militaire d’ensemble : opérations et organisation, mais elle n’y parvient pas jusqu’à nouvel ordre. Il faudrait aux Polonais, pour qu’ils se fassent souples à notre égard, ce qui vient d’arriver aux Tchèques avec les Hongrois. La marche en avant des troupes magyares les a jetés dans les bras du Général Pellé »…


LNC, I, p. 460 à 463.


Provenance :
– Charles de Gaulle (1890 – 1970) ;
– Puis Philippe de Gaulle (1921 – 2024) ;
– Puis descendance.

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