À propos de sa Légion d’honneur et du rôle de l’armée française en Europe.
5 mars. « Ma bien chère Maman, Retour sans incidents, qui m’a permis de faire un tour à Poitiers, gêné d’ailleurs par une pluie battante ». Il a demandé au lieutenant Répessé
« si ma proposition à la Légion d’honneur était passée au Régiment. D’après ce qu’il m’écrit, je reprends quelque espoir. Mais que de temps il faut pour les choses qui paraissent les plus simples ! »…
10 mars. « Un camarade qui avait, lui aussi, demandé l’armée polonaise vient d’apprendre officiellement qu’il était désigné depuis le 4 mars par la Direction de l’Infanterie du Ministère de la Guerre. Il est donc probable que je le suis également, car toutes les affectations ont dû se faire ensemble. En tout cas, aucune – la sienne non plus – n’est publiée officiellement »…
Il termine, à propos de ses frères : « Ce que vous m’écrivez de la nomination de Pierre m’étonne et m’agace. La question est-elle tranchée ? Jacques a dû reprendre ses cours à l’École des Mines et renouer la chaîne des temps. Cela doit lui paraître assez bizarre de redevenir étudiant après avoir vécu quatre ans et demi aussi agités et commandé des hommes ! »…
12 mars. Il remercie son « bien cher Papa » de lui avoir envoyé « la Note de la Mission franco-polonaise […] Les choses étant ce qu’elles sont, il ne me paraît plus douteux que je vais être désigné d’un moment à l’autre pour aller rejoindre à Sillé-le-Guillaume quelque division polonaise en formation. […]
Mon opinion est que l’on attend, pour rendre officielles ces affectations – la mienne en particulier –, une décision quelconque de la Conférence des Alliés et un moment opportun. Vous avez dû lire dans les journaux la récente déclaration à la Chambre du Sous-Secrétaire d’État à la Guerre, qui annonce la formation et l’entretien en Orient d’une armée française de 150 000 hommes, formée autant que possible de volontaires. Il a ajouté : “Le rôle militaire de l’armée d’Orient n’est pas terminé.” D’autre part, on demande des officiers pour constituer en Europe Centrale, en Orient, etc., des commissions de chemins de fer. C’est donc que notre gouvernement a l’intention de conserver des années durant la surveillance et sans doute la direction des chemins de fer de presque toute l’Europe. Enfin, on continue d’envoyer du monde en Sibérie- Oural, et cette fois-ci non plus par les États-Unis, mais bien par Suez. Personne ne doute plus, dans nos milieux, que l’on envisage et prépare une grande expédition en Russie. Les amabilités que nous prodiguons actuellement à la Reine de Roumanie indiquent peut-être que la Roumanie – comme la Pologne – devra nous servir dans l’opération de place d’armes et d’auxiliaire. En ce qui concerne l’Allemagne, il apparaît bien décidément que la politique de la France et de Clemenceau l’emporte parmi les Alliés, et que c’est un écrasement complet, politique, militaire et économique, que l’on va imposer à l’odieux vaincu. Il est moins douteux que jamais que pour soutenir une politique pareille, il ne nous suffit point d’avoir – ce qui est fait – la première armée du monde ; il nous faut aussi et surtout un mouvement de natalité considérable. La victoire nous est venue à point. Je veux croire que le reste nous viendra par surcroît »…
LNC, I, p. 451 à 454.