Sur la carrière militaire de son fils et la situation politique.
4 mars. Il avait demandé à l’amiral Auboyneau de suivre la question de l’affectation de son fils ; il est venu lui dire « que tu devais effectivement prendre le commandement de la 6 F à Lartigue, actuellement dotée de Bloch, mais qui recevrait bientôt des Avenger. L’amiral Auboyneau ajoutait qu’il était prévu pour toi d’y aller très prochainement comme second, d’abord parce qu’on rencontrait, à la Marine, de grandes difficultés pour l’encadrement des unités, ensuite parce que, de toute façon, avant que tu prennes le commandement en premier, tu aurais à faire une réadaptation pour les appareils embarqués et que tu la ferais à la 6 F. Je l’ai prié de faire rectifier cette affectation en second. Mais je vois qu’elle était déjà prononcée. Tu comprends certainement qu’il m’est difficile de me mêler directement de ce qui te concerne dans ces matières, d’abord parce que je ne connais pas toutes les circonstances et obligations spéciales à la branche à laquelle tu appartiens, ensuite parce que je redoute de te faire à toi-même du tort en prétendant imposer les solutions. Dans l’occurrence, il me semble que tu aurais pu – peut-être le pourrais-tu encore ? – venir toi-même à Paris t’expliquer avec ceux qui préparent ou décident les affectations et dont je sais qu’ils sont très bien disposés à ton égard. En tous les cas, je vais revoir le commandant Lahaye ces jours-ci et en obtenir sinon un changement, tout au moins des éclaircissements »…
12 avril. « Voici Pâques ! Fête éternelle de la résurrection, en même temps que du printemps. Ma pensée d’homme vieillissant va vers toi, vers Henriette, vers vos deux fils, qui êtes le présent et l’avenir. Je pense, notamment à ta carrière, qui comme tout ce qui est exceptionnel, comporte beaucoup d’élans et d’espoirs, pêle-mêle avec de grandes impatiences et difficultés. Mais, quoi qu’il doive arriver, c’est de l’air et de la mer qu’on domine désormais la terre. Tu as choisi l’aéronavale. Je ne doute pas que les événements t’offrent un jour l’occasion de grandes actions. Il faut qu’alors tu t’y trouves préparé.
Pour moi, je mène toujours la bataille du redressement avec comme objectif n° 1 la transformation du régime. L’affaire PINAY n’est rien autre chose que l’ultime chance de la facilité, jouée par les intérêts sans aucune foi populaire. Les réalités sont trop dures pour que cela réussisse. Mais il y a, en ce moment, de l’euphorie dans certains milieux (sur un autre plan c’est assez l’entreprise Giraud). Je me tiens, pour l’instant, un peu en retrait, ne m’hypnotisant pas sur les péripéties parlementaires, même en ce qui concerne le Rassemblement, mais prêt à diriger l’offensive du “gaullisme”, c’est-à-dire de l’effort national, dès que l’échec de l’expérience en cours aura déchaîné l’angoisse.
Le jardin de la Boisserie commence à être joli. Les feuilles poussent, les fleurs apparaissent. Vous ne sauriez croire, Henriette et toi, quelle joie nous nous faisons d’avance, Maman et moi, de vous y revoir bientôt »…
LNC, II, p. 1060 et 1064.