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Simone Bianco (avant 1512-après 1553) et son atelier, Venise, première moitié du XVIe siècle
Homme idéalisé All'Antica
Estimation :
70 000 € - 100 000 €

Description complète

Simone Bianco (avant 1512-après 1553) et son atelier, Venise, première moitié du XVIe siècle
Homme idéalisé All'Antica

Buste en marbre blanc

H. : 49 cm (19 ¼ in.)

l. : 33 cm (13 in.)

P. : 27 cm (10 ¾ in.)


Provenance :

Ancienne collection privée française.


Bibliographie comparative :

J. Habert, Véronèse. Une dame Vénitienne dite la Belle Nani, Paris, 1998.

C. Kryza-Cersch, Discovered in the stores : two female busts by Simone Bianco in the Kunsthistorisches Museum in Vienna , Carvings, Casts & Collectors : The Art of Renaissance Sculpture, Peta Motture, Emma Jones and Dimitrios Zikos, London, V&A Publishing, 2013.

A. Luchs, Tullio Lombardo and Ideal Portrait Sculpture in Renaissance Venice, 1490-1530, Cambridge, USA, 1995.

U. Schlegel, Ein unbekannte Büste von Simone Bianco , Antologia di belli Arti, Studi sul Neoclassicismo, II, 1990, pp. 148-52.

P. Meller, Marmi e bronzi di Simone Bianco, Mitteilungen des Kunsthistorischen Institutes in Florenz, 21, 1977, p. 199-209.

M. A. Michiel, Notizia d’opere di disegno[...]pubblicata e illustrata da D. I. Morelli, G. Frizzoni ed., Bologna, 1884.

G. Bottari and S. Ticozzi, Raccolta di lettere sulla pittura,scultura e architettura, vol. III, Milan, 1822

L. Planiscig, Simon Bianco, in Belvedere, vol. V, 1924, pp. 157-63.

A. Markham Schulz, The History of Venetian Renaissance Sculpture, ca. 1400-1530, vols. I and II, London and Turnhout, 2017.


A carved white marble bust of an Idealised Man All’Antica, Simone Bianco (before 1512-after 1553) and his workshop, Venice, first half of the 16th century

 

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Jusqu’à présent jamais publié, le buste all’antica ici présent finement sculpté constitue une importante redécouverte et un élément majeur à l’œuvre du sculpteur Simone Bianco et de son atelier, comme l’a récemment confirmé Dr Anne Markham-Schulz.

 

D’origine toscane, Bianco s’est installé à Venise le 6 juin 1512, comme en témoigne un contrat dans lequel il est nommé « maestro Simone Biancho citadin de Vinesia » (Planiscig, p. 158). Nous avons peu de document sur sa formation et sa carrière avant son arrivée dans la Sérénissime, mais il semble significatif qu’un sculpteur originaire de Toscane (plus précisément de la province d’Arezzo) - que Vasari appelait « fiorentino » (Vasari, éd. Milanesi, 1878, vol. III, p. 651) - ait été parmi les premiers protagonistes de la diffusion des bustes-portraits à Venise, une tradition qui avait ses racines dans la ville de Florence (Luchs, p. 11).

 

Le contrat signé par Bianco en 1512 l’engageait à exécuter quatre reliefs de l’Ancien Testament pour la Confraternité du Saint-Sacrement de Trévise, qui semblent n’avoir jamais été réalisés (Schulz, p. 355-356). À partir de cette date, son nom apparaît dans de nombreux documents juridiques vénitiens, par exemple dans le rôle de témoin devant un notaire, dans lequel il se décrit toujours comme « sculpteur ».

 

Cette définition, comparée à celle de « lapicida ou taiapietra » (Schulz, p. 357), des mots qui se traduisent par « tailleur de pierre », offre un aperçu important de la façon dont Bianco concevait son métier comme basé sur un ensemble de compétences plus élevé que celui des simples sculpteurs. Cela se reflète dans la formule qu’il a adoptée à plusieurs reprises, avec des variations, pour sa signature, en lettres grecques : «Simon Leykos Venetos », ou «Simon Leukos Venetos epoiei», où «Leykos/Leukos» est la traduction grecque de l’italien «Bianco», qui signifie «blanc», et «epoiei» est le terme grec qui signifie «fait ainsi». L’association avec la statuaire grecque que cette formulation établit est significative si l’on considère le style de la sculpture de Bianco, inspiré de l’antiquité classique.

 

Comme l’explique Alison Luchs, « l'utilisation du grec pour sa signature pourrait avoir été conçue comme une démonstration d'érudition antiquaire, ou comme sa prétention à faire revivre le plus ancien et le plus vénéré des styles antiques » (p. 110). En effet, deux bustes signés « Simon Leykos Venetos », celui d’une femme conservée au Statens Museum for Kunst de Copenhague et celui d’un homme conservé au Nationalmuseum de Stockholm, font clairement référence à des modèles antiques, qu’il s’agisse des tresses de cheveux élaborées de la première, nouées en un nœud supérieur rappelant les statues d’Apollon, ou de l’expression sévère et des traits soigneusement rendus du second, qui font écho aux portraits romains de l’époque républicaine.

 

Cependant, comme l’a fait remarquer Schulz, les deux personnages « ne sont pas dans leur première jeunesse » et « le classicisme des traits de la femme a été tempéré par la représentation explicite de ses yeux et la chair de son visage et de son double menton ». (p. 359).

 

Il s’agit de portraits, d’effigies individuelles formulées dans un vocabulaire classicisant, qui témoignent des aspirations sociales et culturelles de leurs commanditaires à l’apogée de la Renaissance.

 

Ces mêmes mécènes ont pu commander à Bianco des bustes plus ouvertement classiques, pour décorer leurs palais, à l’instar de la collection d’antiquités de Domenico Grimani, riche en bustes, qui occupait à partir de 1525 une salle dédiée dans le Palais Ducal de Venise. Un groupe de trois bustes masculins de Bianco, anciennement conservés dans les collections royales françaises, aujourd’hui réparties entre le Louvre et le château de Compiègne, illustre bien ce type d’effigie, non pas destinée au portrait mais plutôt aux « antiquités de substitution », définition proposée par Luchs (p. 108).

 

En 1532, le diariste Marcantonio Michiel a noté la présence d’un pied en marbre et d’une figure de Mars nue de Bianco dans la maison vénitienne d’Andrea Odoni (tous deux introuvables, Michiel, p. 156 et p. 162 respectivement), le collectionneur célèbre dans un portrait de Lorenzo Lotto aujourd’hui conservé dans la collection royale du palais de Buckingham.

 

Cela suggère que le sculpteur s’est spécialisé dans un éventail d’œuvres inspirées de l’antique, mais son héritage est principalement représenté par des bustes. Parmi ses contemporains, sa renommée semble également avoir reposé sur ce type de composition, comme en témoigne une lettre que lui a adressée le poète et dramaturge Pietro Aretino (1492-1556).

 

Ce dernier écrit qu’aucune autre image de dieux ou d’hommes n’avait frappé son âme avec l’étonnement et l’émerveillement que le buste de Bianco représentant l’épouse de Niccolò Molino avait provoqués en lui, et ajoute que Titien (1488-1576) et Jacopo Sansovino (1486-1570)

étaient d’accord avec son éloge (mai 1548, in Bottari et Ticozzi, pp. 173-174). Le buste en question représentant l’épouse de Niccolò Molino a été rattaché par Schlegel (loc. cit., pp. 148-152) à Simone Bianco et passé en vente le 8 novembre 2013, Christie’s Paris, lot 177.

 

En effet, par son style antiquisant typique, cette œuvre se rapproche de deux autres bustes en marbre, l’un conservé au Staatliche Museum de Berlin, et le second signé, conservé au Statens Museum for Kunst de Copenhague (Schlegel, loc. cit., Fig. 3, p. 148.)

 

Ce portrait présente tous les traits typiques du style de Bianco : les pupilles fermement incisées, les paupières lourdes, les lèvres pulpeuses et retroussées, et une attention particulière a été portée à la texture de ses cheveux ondulés, qui contraste avec le haut degré de polissage de sa peau. Les mêmes caractéristiques, y compris la conformation des plis de la draperie, se retrouvent dans notre buste ici présent, où la « grâce » observée par Aretino dans le portrait de l’épouse de Niccolò Molino a été remplacée par une attitude subtilement plus virile, incarnée par le léger pli entre les sourcils du modèle. Une « expression passionnée, avec des sourcils froncés et des pupilles sculptées et cernées » (Luchs, p. 104) caractérise également un buste masculin de Bianco conservé au Kunsthistoriches Museum de Vienne, qui constitue un point de référence essentiel pour l’attribution du présent buste.

 

Les « boucles sinueuses et coupées, la gorge puissante et le drapé rythmiquement curviligne » du portrait viennois trouvent des parallèles directs dans notre Tête d’homme idéalisé all’antica, tout comme le « classicisme sensuel » de son type de visage (Luchs, p. 104), qui semble insuffler aux prototypes anciens la sensibilité des portraits vénitiens du XVIe siècle réalisés par des artistes tels que Titien et Véronèse.

 

La comparaison de la manière dont le dos des deux bustes est sculpté, avec un bloc de support central effilé, confirme également qu’ils ont été exécutés par la même main.

Avec son expression fuyante et ses traits élégamment symétriques, le présent buste semble s’orienter vers un plus grand degré d’idéalisation que celui de Vienne, ce qui suggère qu’il était probablement destiné à une représentation générale de la jeunesse masculine dans le style all’antica, plutôt qu’au portrait d’un individu.

 

Ce type de buste idéalisé de Bianco et son atelier a connu une certaine popularité en dehors de Venise, comme le suggèrent les trois bustes conservés en France.

 

En effet, ceux-ci correspondent probablement aux bustes du sculpteur qu’Aretino mentionne comme ayant été envoyés par le marchand Pandolfo Cenami au roi de France en 1538 (Schulz, p. 360). En outre, Aretino nous apprend que le riche banquier allemand Christoph Fugger était un mécène de Bianco (Schulz, ibid.), et la présence significative de ses œuvres dans les collections d’Europe du Nord à ce jour confirme qu’elles intéressaient un public au-delà de la République de Venise.

 

Nous remercions Dr Anne Markham-Schulz d’avoir confirmé l’attribution à Simone Bianco et son atelier.

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