Porte une inscription 'n°3' au dos
Sans cadre
Shepherdess pouring milk to a shepherd, on its original canvas, by J. Jordaens
61.02 x 79.92 in.
Collection de Madame Regaus ;
Sa vente, au domicile des demoiselles Regaus, Bruxelles, 18 juillet 1775, n° 7 (ainsi décrit : "un jeune Berger tenant une Ecuelle dans laquelle une grosse paysanne verse du lait hors d'une cruche. A côté d'elle on voit des moutons & une chèvre. L'ensemble de ce Tableau, dont le fond représente un paysage, est peint avec beaucoup d'art & d'expression (toile, 5 pieds 7 lignes ; 7 pieds 6 lignes, soit 155 x 2,075 m, vendu 660)" ;
Collection particulière, Lyon, depuis le milieu du XIXe siècle
Œuvre en rapport :
Dessin préparatoire, Jacob Jordaens, Couple de bergers, dessin préparatoire, craie noire, aquarelle et gouache, conservé au Kupferstichkabinett de Berlin (KdZ 1200), 30 x 44.2 cm. Publié dans: Roger Adolf d’Hulst, Joardens Drawings, Londres, New-York, 1974, vol. 1 p. 247, n°A155, repr.
Une version réduite, 98 x 108 cm (Vente P. F. Gooris ; Malines, 20 mai 1844, puis Vente Van Heck ; Anvers, 27-29 novembre 1979, comme attribuée à Jordaens).
A gauche de notre toile, un berger est assis à terre. Il tient une houlette, un bâton qui sert à ramener les animaux perdus dans le troupeau. Son bras est appuyé sur le dos d'une chèvre. Une bergère lui verse du lait d'une cruche en cuivre (appelée canne). Son regard exprime un sentiment amoureux naissant. Le spectateur de l'époque associe le lait de chèvre à la tentation charnelle, à la fertilité, la sensualité et la lascivité en raison de l'image folklorique et mythologique de l'animal. Lié au dieu Pan, son lait a nourri le jeune Jupiter d'après la légende grecque reprise par Ovide, lequel dieu a ensuite connu une vie amoureuse intense (Jordaens a plusieurs fois illustré le sujet de Jupiter enfant nourri par la chèvre Amalthée).
Nos deux jeunes gens vivent en harmonie avec la nature tant avec les animaux qu'avec le paysage agreste, où le soleil perce à travers les nuages. Les sujets de pastorales sont très appréciés aux XVIIe siècle dans toute l'Europe. Ils ont été popularisés par de nombreux romans à l'époque, notamment Il Pastor Fido de Guarini (1589) et L'Astrée d'Honoré d'Urfé (1627), qui narrent les aventures et les amours de héros dans un cadre idyllique inspiré de Virgile.
Notre toile peut aussi être directement comparée avec le Satyre jouant de la flûte du Rijksmuseum d'Amsterdam (inventaire SK-A-198) où le traitement des chèvres, des arbres, des feuilles et du ciel sont identiques. Il est établi depuis longtemps que la présence d'animaux d'élevage est particulièrement présente dans les compositions de Jordaens qu'il prépare par de nombreux dessins ou études à l'huile. Lorsqu'il peint L'Enlèvement d'Europe (Lille, Palais des Beaux-Arts), ce n'est pas un seul taureau qu'il représente, mais tout un troupeau. Notre artiste est coutumier de ce mélange entre figures et les bêtes de la ferme, qu'il s'agisse de scènes bibliques (Adam et Eve, Szépmüvészeti Muzeum, Budapest), mythologiques (Mercure et Argus, musée des Beaux-Arts, Lyon), ou, comme ici, profanes. Le tableau d'Amsterdam est situé vers 1630-1635 et d'Hulst propose une date autour de 1640 pour le dessin préparatoire. On sait que déjà, à ce moment-là, Jordaens se fait aider par des collaborateurs pour ses grands formats, ou pour les parties secondaires de ses tableaux, mais la sincérité des figures d'animaux ne peut revenir qu'au maître lui-même.