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Ecole florentine du XVIe siècle
Tobie et l'ange
Estimation :
70 000 € - 100 000 €
Vendu:
85 280 €

Détails du lot

Tobie et l'ange
Huile sur panneau transposé sur toile

(Tableau réduit, restaurations)

Tobias and the angel, oil on panel, transferred to canvas, Florentine school, 16th C., follower of P. Perugino

Provenance :

Apporté en Allemagne par le marchand italien Ricciardi, avec la version en buste de l'archange saint Michel également d'après le polyptique de la chartreuse de Pavie, selon Passavant ;
Peut-être collection Wittelsbach, selon une marque 'WS' au dos ;
Donné par le prince Carl-Theodor von Darlsberg, prince primat de la confédération du Rhin, au baron de Faviers en 1800 ;
Collection du baron Matthieu de Faviers, pair de France, intendant général des armées, Strasbourg ;
Sa vente ; Paris, Me Fournel, 11 avril 1837, n° 22 (comme Raphaël, retiré de la vente selon un exemplaire annoté du catalogue) ;
Resté dans sa famille jusqu'à nos jours ;
Collection particulière, Paris

Bibliographie :

Johann David Passavant, 'Raphaël d'Urbin et son père Giovanni Santi', Paris, 1860, p. 5
Arthur Benoit, "Collections et collectionneurs alsaciens 1600-1820", in 'Revue d'Alsace', 1875, p. 208

Commentaire :
Longtemps donné à Raphaël (Urbino, 1483 - Rome, 1520), ce tableau représentant 'Tobie et l'ange' est aujourd'hui rendu à un suiveur du Pérugin (Città della Pieve, vers 1450 - Fontignano, 1523) du XVIe siècle. Le Pérugin est un artiste de premier plan qui œuvra sur les grands chantiers de la fin du XVe siècle comme le 'studiolo' d'Isabelle d'Este à Mantoue ou les décors de la chapelle sixtine au Vatican. Notre tableau, dont la commande fut passée en 1496 par Ludovico Sforza dit le More (1452-1508), est une variante du panneau droit du polyptique réalisé par Le Pérugin pour la chartreuse de Pavie, l'une des architectures les plus remarquables de la Renaissance en Lombardie. Trois panneaux appartenant à ce polyptique sont conservés à la National Gallery de Londres depuis 1856 : Saint Michel, la Vierge à l'Enfant et Tobie et l'ange (fig.2) tandis que des copies des tableaux se trouvent actuellement à la chartreuse de Pavie (fig.3)1. Les années 1490-1500 correspondent à la période de maturité du Pérugin qui jouit alors d'une importante renommée comme l'atteste cette commande de Ludovico Sforza. D'autres émanent de différentes institutions à Pérouse comme 'Le Mariage de la Vierge' exécuté pour la cathédrale de la ville en 1501-1504, et aujourd'hui conservé au musée des Beaux-Arts de Caen. On date aussi de ces mêmes années la présence de Raphaël dans l'atelier du Pérugin alors que le jeune Urbinate se forme au métier de peintre. Le sujet de cette œuvre tiré du 'Livre de Tobie' (Bible, 'Ancien Testament') met en scène Tobie en quête d'un remède à la cécité de son père accompagné de l'archange Raphaël. Ce dernier encourage Tobie à pêcher un poisson qu'il tient par un fil attaché à son poignet droit. L'ange Raphaël porte quant à lui une petite boîte qui contient l'antidote formé des entrailles du poisson. Les silhouettes fines et gracieuses de Tobie et de l'ange Raphaël, la délicatesse de la pose des mains comme la douceur des regards évoquent immédiatement le style du Pérugin. Notre œuvre présente cependant une version différente du panneau du Pérugin de Londres. Alors que Tobie et l'ange apparaissent en pied sur l'œuvre du peintre de Pérouse pour Pavie, ils sont figurés à mi-corps sur notre tableau. Il est cependant probable que l'œuvre ait été réduite comme le suggère l'absence du chien qui accompagne traditionnellement Tobie et l'ange ainsi que le fil que l'on observe au poignet de Tobie qui devrait être attaché au poisson pêché dans le Tibre. Le visage et l'expression de l'ange diffèrent également dans leur traitement. La carrière du Pérugin est marquée par un rapide succès dont témoigne l'ouverture de deux ateliers, l'un à Florence, l'autre à Pérouse, qui lui permettent de répondre à un grand nombre de commandes. De ces ateliers émanent de nombreuses œuvres qui circulent dans la péninsule et font l'objet de répliques contemporaines ou plus tardives car les jeunes apprentis s'exerçaient au pinceau en travaillant d'après leurs illustres prédécesseurs. Aussi, nous connaissons plusieurs reprises des panneaux du Pérugin pour la chartreuse de Pavie. Un précieux témoignage du chartreux Matteo Valerio datant du XVIIe siècle (vers 1642-1645) rend compte d'une commande de religieux de l'ordre faite auprès de Giacomo Antonio Sant'Agostino (1588-1640) de variations à partir des polyptiques du Pérugin se trouvant à Pavie et à Milan2. Le Musée Diocésain de Trente est outre propriétaire d'une 'Madonne au Sac' qui avait d'abord été attribuée à Pérugin et que l'on donne maintenant à son atelier, réalisée d'après le panneau central du polyptique de la chartreuse de Pavie3.
Notre tableau est proche de reprises postérieures dont une huile sur toile aujourd'hui conservée à Pavie qui est attribuée à ce Giacomo Antonio Sant'Agostino (fig.4). On y retrouve le même visage allongé de l'ange, les mêmes joues rosées ainsi que les mêmes broderies sur son vêtement. Cependant, les variations que nous connaissons d'après le polyptique sont des huiles sur toile tandis que notre Tobie et l'ange a été initialement exécuté sur bois. Le support originel de l'œuvre nous permet de dater notre tableau du début du XVIe siècle.

Notre œuvre a été offerte au début du XIXe siècle par le prince Carl Theodor de Dalberg au baron Gaétan Mathieu de Faviers, administrateur militaire, grand ordonnateur des armées du Rhin et conseiller à la cour de Colmar. Le baron de Faviers était également un important collectionneur de tableaux de maîtres espagnols, italiens, et flamands. Sa collection a fait l'objet d'une vente aux enchères en 1837, qui se trouve aujourd'hui en grande partie au musée du Louvre.4
Une estampe contemporaine reproduisant notre tableau signée Christophe Guérin (1758-1831) souligne dans sa lettre le caractère exceptionnel de ce beau cadeau diplomatique impliquant ce qui est décrit comme une œuvre originale de Raphaël. Les deux hommes se seraient rencontrés au moment de la constitution de la confédération du Rhin, lorsque Carl Theodor van Dalberg est nommé président de la Confédération et grand-duc de Francfort. Le baron de Faviers aurait facilité les relations entre Carl Theodor de Dalberg et Napoléon. Depuis lors, notre tableau, qui porte le témoignage de la conquête napoléonienne, est resté dans la famille du baron de Faviers. Les initiales WS que l'on observe au verso sur la toile seraient peut-être une preuve du passage du tableau dans la collection de la famille Wittelsbach-Sulzbach. Si Maximilian Joseph de Wittelsbach, roi de Bavière (1756-1825) était en lien avec Carl Theodor van Dalberg, rien ne nous permet pour l'instant de confirmer cette provenance. En ce qui concerne les mouvements plus anciens de l'œuvre, notre Tobie et l'ange aurait été, selon l'historien d'art Johann David Passavant (1787-1861), vendu par le marquis Ricciardi, marchand d'art, et serait ainsi passé d'Italie en Allemagne en compagnie d'une autre copie du Saint Michel qui se trouvait autrefois dans les collections du musée de Darmstadt5. Le charme indéniable de cette œuvre, qui fut remarqué très tôt, tient dans l'évocation du style doux et gracieux qui caractérise les œuvres du maître de Raphaël.
1. Le retable a été complété au début du XVIe siècle par deux peintres : Fra Bartolommeo et Mariotto Albertinelli. Les panneaux aujourd'hui conservés à la National Gallery de Londres formaient le premier des deux niveaux de cet important ensemble. L'étage supérieur représentait l'Annonciation. Une image de Dieu en gloire se trouvait au centre. Ces œuvres étaient situées sur l'autel de la chapelle latérale dédiée à l'archange Michel.
2. Roberta Battaglia, " Le " Memorie " della Certosa di Pavia ", in 'Annali della Scuola Normale Superiore di Pisa. Classe di Lettere e Filosofia', serie III, vol. 22, no 1, 1992, p. 194.
3. Inv. 0017.
4. Nicole Gotteri, " Un collectionneur alsacien, le baron Mathieu de Faviers (1761-1833) ", in Revue d'Alsace, no 121, 1995, p. 111-146
5. Johann David Passavant, 'Raphaël d'Urbin et son père Giovanni Santi', Paris, 1860, p. 5.

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