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François de NOMÉ, dit MonsĂ¹ DESIDERIO, et collaborateur (Metz, vers 1593 - Naples, après 1623)
Enée et sa famille fuyant l'incendie de Troie
Estimation :
70 000 € - 100 000 €
Vendu :
72 160 €

Description complète

Enée et sa famille fuyant l'incendie de Troie
Huile sur toile


The burning Troy, oil on canvas, by Fr. de Nomé and collaborator

Provenance :

Collection Arturo Michelini, Rome, en 1961 ;
Collection particulière, Milan

Bibliographie :

FĂ©lix Sluys, 'Didier Barra et François De NomĂ© dits MonsĂ¹ Desiderio', Paris, 1961, p. 111, n° 89
Maria Rosaria Nappi, 'François de NomĂ© Didier Barra, l'enigma MonsĂ¹ Desiderio', Milan et Rome, 1991, p. 314, n° D73

Commentaire :
L'Ă©trangetĂ© s'invite dans la contemplation de cette scène Ă  la lumière si surprenante. Cette ambitieuse toile ne se comprend qu'Ă  l'aide de la connaissance du corpus de l'une des plus intrigantes personnalitĂ©s du XVIIe siècle : MonsĂ¹ Desiderio. Ce 'Monsieur' Desiderio est en rĂ©alitĂ© un peintre Ă  quatre mains, une personnalitĂ© bicĂ©phale : deux lorrains originaires de Metz, Didier Barra et François de NomĂ©. Tous deux, ayant quittĂ© leur patrie en proie aux guerres incessantes, rejoignent la dĂ©sirable Italie et la communautĂ© de 6.000 compatriotes lorrains Ă  Rome, puis Naples oĂ¹ l'on retrouve le premier vers 1614 et le second vers 1610. Leurs Å“uvres se confondent mais Barra se spĂ©cialise plus dans les architectures chaotiques oĂ¹ sonnent le parfum de la destruction et NomĂ© dans les grandes vues panoramiques. Leur peinture est baignĂ©e par une lumière au clair-obscur violent, mĂªlant une description prĂ©cise Ă  un sens du tragique mis en scène avec talent et grandiloquence. Ce n'est qu'au XXe siècle que ces personnalitĂ©s Ă©mergent grĂ¢ce aux travaux de Raffaello Causa1, FĂ©lix Sluys2 et enfin Maria Rosaria Nappi3, notamment dans la brillante exposition qui fit date Ă  Metz en 2004-20054. Le goĂ»t pour les Å“uvres de MonsĂ¹ Desiderio que nourrissaient les SurrĂ©alistes et AndrĂ© Breton en tĂªte ont aidĂ© Ă  cette redĂ©couverte d'un des corpus les plus originaux de l'histoire de l'art.
Notre toile offre un cadre architectural grandiloquant et fantastique à la fuite de Troie pour laquelle l'artiste reprend le fameux groupe de la composition de Federico Barocci5, sans doute en se servant de la gravure d'Agostino Carrache de 1595 (fig. 1). Enée porte Anchise qui tient les pénates et le jeune Ascagne ouvre la voie. Nous ne connaissons que trop bien cette scène de la fin de la guerre de Troie qui est aussi à l'origine de la naissance de Rome, raison pour laquelle ce sujet fut tant représenté dans la peinture italienne. François de Nomé est le maître absolu des architectures en flammes ou soumises à des conditions apocalyptiques : il trouve dans le traitement de la fin de Troie le sujet idéal pour développer à l'excès ses formules tant maîtrisées : dans la riche cité du roi Priam, flammes et fumées, corniches en chute, fragments statuaires jonchant le sol, corps élancés dans la détresse, surcharge d'ornements sculptés brillants à la lumière de l'incendie, statuaire à l'antique nous enivrent par leur surabondance.
Trois scènes lĂ©gendĂ©es se distinguent. De droite Ă  gauche la première est accompagnĂ©e des mots " Sinon Grecus (…) ". Sinon, fils d'Esinos et donc cousin d'Ulysse, est le hĂ©ros grec qui donna aux Troyens le cheval en offrande et permit ainsi de le faire entrer dans la citĂ© avant qu'Ulysse et ses hommes ne s'en Ă©chappent pour mettre en flamme la ville ; scène que nous distinguons en arrière-plan Ă  droite. Le groupe du centre dĂ©rive, comme nous l'avons vu prĂ©cĂ©demment, de Barocci. Une inscription en Ă©criture inversĂ©e est apposĂ©e au centre ; " Salva, Deos meu, Patrem romani, fili mi Aenea ", annonçant ainsi la crĂ©ation de Rome. La dernière scène Ă  gauche est d'une grande violence et montre Cassandre trainĂ©e au sol accompagnĂ©e de la lĂ©gende " Predixit Cassandra (…) ". Cassandre, fille du roi Priam et sÅ“ur d'Hector et de Paris, avait reçu d'Apollon le don de prĂ©dire l'avenir mais, se refusant Ă  ce dernier, il la condamna Ă  ne jamais Ăªtre Ă©coutĂ©e. Elle prĂ©dit bien la fin de Troie mais en vain. La scène peinte ici la montre trainĂ©e après avoir Ă©tĂ© accrochĂ©e Ă  la queue d'un cheval. Si elle fut violĂ©e par Ajax, en revanche Agamemnon demandera Ă  la garder près de lui. L'imagination du peintre offre une illustration très personnelle du rĂ©cit de Virgile.
Nous remercions Madame Maria Rosaria Nappi pour son aide à la rédaction de cette notice.

1. R. Causa, " Francesco Nomé detto Desiderio ", in 'Paragone', Florence, 1956, 7, n° 75, p. 30-46.
2. F. Sluys, 'op. cit.', Paris, 1961.
3. M. R. Nappi, 'op. cit.', Milan et Rome, 1991.
4. 'MonsĂ¹ Desiderio, Un fantastique architectural au XVIIe siècle', exposition Ă  Metz, musĂ©e de la Cour d'Or, 6 novembre 2004 - 7 fĂ©vrier 2005.
5. La première version peinte le fut pour Rodolphe de Habsbourg vers 1586-89, elle est aujourd'hui perdue. La seconde, datée de 1598, est aujourd'hui conservée à la galerie Borghèse à Rome.

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