(Restaurations)
The Picture Gallery, the Sciences and the Arts, oil on an oak panel, by A. van Stalbemt
22.04 x 28.93 in.
Galerie De Jonckheere, Paris ;
Acquis auprès de cette dernière en 2005 par les parents des actuels propriétaires ;
Collection particulière, France
Dans un vaste intérieur, savants et amateurs contemplent et échangent autour de peintures, gravures, portraits sur vélin, sculptures, objets scientifiques et de curiosité. Parmi les œuvres peintes, une grande variété de genres picturaux est représentée : paysages, natures mortes, pièces historiques, portraits, retables, scènes d’églises ou encore allégories. Par cette œuvre, Adriaen van Stalbemt rend hommage à la richesse de la peinture flamande contemporaine et des siècles passés. Aussi à gauche, accrochée à la grande pièce de mobilier en bois sculpté par laquelle il était possible d’accéder à ce cabinet, une œuvre représente l’intérieur d’une église tel que les représentait Pieter Neefs le Vieux (avec lequel Adriaen van Stalbemt a pu travailler), tandis qu’au-dessus il est possible de reconnaître, à travers le paysage italianisant inspiré du forum romain, l’œuvre d’un membre de la célèbre communauté des Bentveughels composée de Flamands et de Néerlandais actifs à Rome au début du XVIIe siècle tels Bartholomeus Breenbergh, Jan Asselijn, Hendrik Frans van Lint ou encore Willem van Nieulandt. Le paysage en tondo dans les tons bleutés est quant à lui peut-être de la main de Paul Bril. Sur le côté inférieur droit, la peinture présentant du gibier sur un entablement recouvert d’un drapé rouge est sans aucun doute une œuvre de Pieter Snijders (le chevreuil ainsi pendu par les pattes au premier plan est un motif récurrent dans l’œuvre du maître, comme le sont également le homard et le panier garni de grappes de raisins blancs et rouges)1. L’œuvre placée sur un fauteuil rouge sur laquelle se penche un jeune homme au premier plan s’inspire de L’Abondance et les quatre éléments peint par Hendrick van Balen en collaboration avec Jan Brueghel l’Ancien (aujourd’hui à Madrid, Musée du Prado, P001399) tandis que le paysage placé au sol contre le pied de la chaise évoque les travaux de Jaspar van der Laanen, Alexander Keirinx ou de Jan Brueghel le Jeune. Parmi les tableaux placés à touche-touche sur le mur du fond, le saint Jérôme rappelle les travaux des peintres flamands du XVIe siècle, Joos van Cleve, Pieter Coecke van Alst, ou encore Marinus van Reymerswaele, dont le thème du saint figuré en cardinal dans son étude constitue un des motifs privilégiés tandis que le paysage accroché à sa gauche est vraisemblablement de la main de Joos de Momper. La grande bacchanale au centre rappelle l’œuvre de Hendrick van Balen tandis que la scène représentant la reine de Saba devant le roi Salomon est sans doute de la main de Frans Francken II.
Enfin, le portrait du chasseur tenant une tête de renard est connu par un tableau conservé à Karlsruhe donné à l’entourage de Karel Dujardin (n° 302)2. Deux hommes contemplent un retable cintré figurant une Vierge couronnée par des anges sur un fond vert de la main d’Adriaen Isenbrant (qui se trouve aujourd’hui à la Gemäldegalerie de Berlin (inv. 554)), tandis que la Sainte Famille entourée d’une couronne de fleurs est probablement une œuvre de Frans Francken II ou de Jan Brueghel II en collaboration avec Daniel Seghers.
Né à Anvers de confession protestante, Adriaen Stalbemt se réfugie à Middelburg entre 1585 et 1609 en raison des troubles politiques qui embrasent la ville d’Anvers dans les années 1580. Il retrouve sa ville natale en 1609 sans doute après la proclamation de la trêve de Douze Ans où il devient maître de la Guilde de Saint Luc puis doyen entre 1618 et 1619. Il participe à la vie intellectuelle de la ville à travers son adhésion à la chambre de rhétorique connue sous le nom de De Violeren. Après un bref séjour en Angleterre entre 1632 et 1633 durant lequel il réalise une Vue de Greenwich avec Charles I et Henriette Marie (Royal Collection, Hampton Court, Londres) et collabore avec son compatriote Jan van Belkamp, il revient à Anvers où il meurt en 1662. Bien introduit dans le foisonnant marché anversois de ce début du XVIIe siècle, il produit des peintures pour le marchand Chrysostomus van Immerseel entre 1634 et 1641. Etablir une chronologie précise de sa production demeure une gageure dans la mesure où ses tableaux sont rarement datés3. Spécialiste de tableaux destinés à être accroché dans des cabinets, Stalbemt produit lors de sa longue carrière des œuvres variées allant du paysage aux représentations d’intérieurs de cabinet. Ses scènes religieuses, mythologiques et allégoriques sont souvent placées dans des paysages élaborés, genre dans lequel il excelle. Le Triomphe de David sur Goliath du musée du Prado (Madrid) peint de concert avec Jan Brueghel le Jeune montre qu’il collabore avec d’autres artistes anversois en tant que peintre de figures (n° P001782).
Dans les années 1610-1620, Frans Francken le Jeune et Jan Brueghel l furent les premiers à réaliser ces scènes de cabinets. Citons par exemple le cabinet de curiosité peint par Frans Francken II de 1619 conservé au musée royal des Beaux-Arts d’Anvers (inv. 816). Ursula Härting a montré que Frans Francken II réalisait ce type d’œuvres avant 1617, jalon auparavant établi comme l’année d’introduction de ce genre par le biais de l’Allégorie de la vue de 1617 de Jan Brueghel l’Ancien (musée du Prado, Madrid, n° P001394). C’est dans le sillage de la production de Frans Francken II, qui, aidé d’un large atelier, diffusait de nombreuses variantes d’après un prototype princeps, qu’il convient donc placer notre tableau. Au sein du corpus de Stalbemt, il est à rapprocher d'une autre œuvre conservée au musée du Prado (inv. P001405) dont on connaît d’autres versions, l’une se trouvant auprès de la galerie De Jonckheere en 2002 et l’autre figurant dans une vente à Zurich4. D’autres scènes d’intérieur figurant des galeries de peintures de ce peintre nous sont connues.
Ces représentations d’amateurs figurés dans des galeries de collectionneurs ou des pièces spacieuses ornées d'objets d'art constituent un genre apprécié des peintres flamands du XVIIe siècle qui célèbre la pratique de la collection comme une activité sophistiquée à cultiver. Comme pour nous aujourd’hui, ces tableaux constituaient un jeu amusant pour les collectionneurs qui pouvaient se targuer de reconnaître tour à tour les œuvres représentées et les soumettre à la sagacité de leurs visiteurs.
1. Voir par exemple Nature morte au chevreuil, Bruxelles, musées royaux des beaux-arts de Belgique, inv. 4951 ou encore sur le même sujet, l’œuvre du musée des beaux-arts de Lodz en Pologne, inv. MS/SO/M/143.
2. Une autre version est passée en vente avec une attribution à Jan van Bijlert (vers 1597-1671) : vente anonyme ; Munich, Hampel Fine Art Auctions, 4 juillet 2008, n° 157.
3. Voir Ursula Härting, « Adriaen van Stalbemt als Figurenmaler », Oud Holland, 1981, p. 4 qui compte une dizaine de tableaux datés.
4. Zürichsee Auktionen, 9-11 avril 2008, n° 8 (voir Klaus Ertz et Christa Nitze-Ertz, Adriaen van Stalbemt 1580-1662, Lingen, 2018, p. 319-321).