Datée Nîmes, 14 janvier 1915.
2 pages in-4 sur 1 feuillet de papier vélin à en-tête du café Tortoni.
Belle lettre à Lou : Apollinaire s'exprime en verlan et évoque Paul Léautaud.
Cette lettre fut écrite deux jours après la rencontre de Madeleine Pagès, qui succéda à Lou dans le cœur du poète.
Le poète commence par évoquer la figure du roi David : " C'est le Psalmiste, ma chérie, qui dit que la crainte du Seigneur, etc., le Psalmiste, c'est-à-dire le roi David lui-même, et il s'y connaissait ce poète merveilleux ancien chef de brigands, un des plus grands rois du monde et un des 9 de la renommée. "
Il fait ici allusion au psaume 19 : " La crainte du Seigneur est chose claire, elle subsiste toujours ; les décisions du Seigneur sont la vérité, toutes, elles sont justes. "
Le ton change un peu bas et l'on découvre que le poète était déjà adepte du verlan : " Tu me prends décidément pour un noc, incapable de te trouver un piaule sous prétexte que tu es sensitif, je le sais bien, mon Lou, et c'est une des raisons pour quoi je t'adore. "
Le désir, le libertinage, la franchise qui caractérisent la correspondance entre Guillaume Apollinaire et Louise de Coligny-Châtillon se retrouvent dans la lettre : " J'ai envie de toi. Qui sont ces Desmazières avec qui tu t'es pouffée. Tu as l'air de ne pas t'embêter loin de moi, grand rat doré. Je t'aime et je t'embrasse partout mille fois. "
L'émouvant post-scriptum évoque deux figures littéraires amies, Paul Léautaud, à qui Guillaume Apollinaire dédia la Chanson du mal-aimé, et le poète Louis de Gonzague Frick, un de ses amis les plus anciens et les plus chers : " Mon ami Léautaud m'a écrit une lettre touchante que je t'envoie, il a mis cent sous dedans et il n'est pas riche du tout. J'en ai pleuré. Il y a aussi une carte de L. de G. Frick qui un de ceux qui aiment le mieux ce que je fais - je savais qu'il se bat depuis le 1er jour. Il m'écrit qu'il récite mes poèmes aux poilus dans les tranchées. C'est plus intéressant, mon Lou, que la baronne. "