'ROMAN CHARITY', TERRA COTTA, ATTRIBUTED TO J.-G. MOITTE
Commentaire :
Valère Maxime, historien romain du Ier siècle après Jésus-Christ nous rapporte cette scène de piété filiale tirée d'une histoire populaire grecque. Le vieux Cimon, affamé, est enchaîné par le pied en prison et condamné à mourir d'inanition. Sa fille Péro lui rend visite et lui donne le sein. Son lait maternel nutritif le garde en vie et le revigore. L'histoire touche tant le magistrat qu'il remet sur-le-champ Cimon en liberté. Pour le reste de sa vie, il pourra vivre aux frais de l'État et n'aura plus jamais à souffrir de la faim. Péro est désormais l'exemple de la dévotion d'un enfant à ses parents. Dans la légende, le nourrisson de Péro n'est pas cité. Cependant, au XVIIe siècle, l'enfant est de plus en plus souvent représenté, ceci pour parer à une interprétation incestueuse du sujet. L'auteur de notre sculpture s'attache à intégrer l'enfant au sujet comme l'avaient fait avant lui d'autres sculpteurs comme Jérôme Duquesnoy. Si la charité romaine a souvent été traitée par les peintres français des XVIIe et XVIIIe siècle (Vouet, Mellin, Greuze ou Fabre), rares sont les sculpteurs à avoir abordé le sujet. Des très rares œuvres documentées dans les collections publiques, on peut citer une esquisse en terre cuite par Charles Joseph Marin (1759-1834) conservée au Musée des Beaux-Arts de Besançon (Inv.D863.3.5), ou un autre groupe en terre cuite réalisé vers 1762 par Claude-François Attiret (1728-1804) conservé au Musée des Beaux-Arts de Dijon (Inv.1168).
C'est du corpus de l'œuvre de Jean-Guillaume Moitte que se rapproche le plus notre terre cuite. Le réalisme des anatomies, le corps sec et musclé de Cimon esquissé à l'ébauchoir, la silhouette, féminine mais massive et puissante de Péro sont des éléments qui correspondent au style vigoureux de Moitte. L'ensemble de la composition est imprégnée d'une tension dramatique admirable. L'enfant que Péro repousse derrière elle et qui semble réclamer son dû est, quant à lui, très proche de celui apprenant à marcher aux pieds de Jean-Jacques Rousseau dans la belle esquisse du musée Carnavalet (Inv. S3314, fig. 1) .