Commentaire :
Gravure :
Gravé par G. Marchand
Lorsque Jean-Baptiste-Marie Pierre peint cette Heureuse rencontre en 1762, il est l'un des artistes les plus en vue de Paris. Premier peintre du duc d'Orléans depuis 1752, professeur à l'Académie royale de Peinture et de Sculpture, il reçoit de nombreuses commandes prestigieuses pour des décors d'églises parisiennes ou des mythologies pour la reine Marie Leszczynska, la marquise de Pompadour ou encore le marquis de Marigny.
Ces compositions historiques et officielles ne lui feront jamais oublier ses premières amours pour les bambochades et le pittoresque, développées au cours de son séjour en Italie au début de sa carrière, entre 1735 et 1740. Pierre avait alors noirci de nombreuses pages avec des croquis de ce qu'il observait, scènes de la vie quotidienne, paysans, animaux, ruines et paysages. Il y découvrit avec fascination la peinture de Pieter van Laer, dit le Bamboche, peintre nordique actif en Italie au XVIIe siècle, qui s'était fait une spécialité de la représentation de la vie dans la campagne romaine, au point de laisser son surnom à ce genre : bambochade.
Le goût affirmé de Pierre pour la peinture de genre ne laissa pas les critiques indifférents et lui fut souvent reproché. La hiérarchie des genres, qui plaçait la peinture d'histoire au dessus de toute autre, était particulièrement présente dans les esprits au sein des cercles de l'Académie et du Salon. Considérée par la critique comme facile et légère, indigne des peintres de talents, cette peinture était pourtant loin de déplaire aux amateurs et aux collectionneurs du Siècle des Lumières qui s'étaient pris de passion pour la peinture nordique du siècle précédent.
Pierre nous propose ici une charmante pastorale dans un impressionnant décor arcadien : au pied d'une antique pyramide émoussée par le temps et la nature foisonnante, qui n'est pas sans évoquer la pyramide de Cestius gravée par Piranèse, un jeune berger et une vachère se sont retrouvés. Ce couple n'est pas sans rappeler le Voyage, une autre composition de Pierre probablement exposée au Salon de 1743 et conservée au musée des Beaux-Arts de Dijon (fig. 1). Le réalisme des animaux, peints avec une touche moelleuse et riche, ainsi que la chaumière visible à gauche donnent à cette composition un caractère bucolique et champêtre.
L'Heureuse rencontre est un merveilleux exemple de la synthèse effectuée par Pierre entre le pittoresque des Ecoles du Nord, le goût pour l'archéologie et le sens de la lumière issus du séjour romain et enfin le coloris chatoyant, la touche onctueuse et les thématiques galantes du règne de Louis XV.
Nous remercions Messieurs Nicolas Lesur et Olivier Aaron de nous avoir aimablement confirmé l'authenticité de ce tableau d'après un examen de visu.