Dessin original, signé et daté " Guill Apollinaire 1916 ", en bas à gauche, avec légende autographe " Le Caporal de la Légion " en haut à gauche. Aquarelle, traits préparatoires à la mine de plomb, 19 x 12, 5 cm, signature un peu pâlie, encadrement sous verre.
Portrait de Blaise Cendrars en uniforme, après sa blessure et son amputation du bras droit, dans une composition à la fois violente et paisible : le style savamment naïf conférant un caractère ornemental aux explosions et une allure familière au personnage, contraste admirablement avec la nature dramatique de la scène militaire et le spectacle de la mutilation. Ce contraste met en image le célèbre " Ah Dieu ! que la guerre est jolie " que lançait Apollinaire en 1915 dans son poème " L'Adieu au cavalier " (paru dans Calligrammes en 1918).
Dédicace autographe signée d'Apollinaire au marchand et éditeur d'art Paul Guillaume, au crayon : marchand, collectionneur et critique d'art, Paul Guillaume (1891-1934) fit ses débuts entre 1908 et 1913 dans le milieu des artistes de Montmartre, et s'intéressa parmi les premiers pour l'art " nègre " dont il organisa la première exposition en France en 1916. Il acquit bientôt une position solide, exposant et collectionnant l'avant-garde parisienne, De Chirico, Derain, Goncharova, Larionov, Modigliani (dont il devint le marchand exclusif), Picabia, Picasso, etc. Il serait jusqu'à sa mort le fournisseur attitré du fameux collectionneur américain Alfred Barnes.
Guillaume Apollinaire fit sa connaissance en 1911, grâce à leur passion commune pour l'art " nègre ", et car Apollinaire défendait dans ses critiques de Paris-journal les mêmes artistes d'avant-garde que Guillaume exposait. Apollinaire collabora probablement - avec Cendrars - à la rédaction du catalogue de l'exposition Derain présentée en 1916 par Guillaume, et préfaça le catalogue de l'exposition d'art " nègre " de Guillaume en 1916.
" J'ai tué " (Blaise Cendrars, 1918). De nationalité suisse, Cendrars s'engagea dès août 1914 dans la Légion, et monta ensuite sur le front de Champagne (comme Apollinaire), gagnant les galons de caporal. Blessé au cours des combats, il fut amputé du bras droit en septembre 1915. Il relata cette expérience extrême de la guerre dans plusieurs de ses ouvrages, dont J'ai tué en 1918 (" J'ai le sens de la réalité, moi, poète. J'ai agi. J'ai tué. Comme celui qui veut vivre "), L'Homme foudroyé (1946) ou La Main coupée (1948).
Apollinaire et Cendrars, les deux poètes d'avant-garde les plus audacieux de l'avant-guerre. Avec Zone (1912) et Alcools (1913), Apollinaire brillait par des audaces formelles que seul Cendrars égalait alors, avec Les Pâques à New York (1912) et La Prose du Transsibérien (1913). L'iinfluence qu'ils exercèrent l'un sur l'autre et quelques collaborations scèllerent leur amitié. Apollinaire écrivait à Louise de Colligny-Châtillon le 7 janvier 1915 : " Blaise Cendrars, un poète suisse qui à mon avis constitue avec moi et Fleuret la seule trinitié de poètes qui aient aujourd'hui un talent véritable et du lyrisme ". Cette admiration, réciproque, se changea pourtant en rivalité à la fin de la guerre, et les deux poètes s'éloignèrent l'un de l'autre.
Une des aquarelles qu'Apollinaire peignit en 1916, lors de sa convalescence après sa blessure de guerre. Elle dénote nettement l'influence de l'avant-garde russe, notamment du néo-primitivisme, et, par son titre inscrit dans le champ pictural, relève de l'esthétique moderne d'une poésie libérée de la littérature comme chez Duchamp ou Picabia.
Exposition
- LA BIBLIOTECA DI GUILLAUME APOLLINAIRE A ROMA. Rome, Galleria Francese di Piazza Navona, 12 février-12 mars 1996. Reproduction en couverture du catalogue.
- L'UN POUR L'AUTRE, LES ECRIVAINS DESSINENT. Paris, Éditions Buchet-Chastel, IMEC, 2008. Reproduction dans la notice n° 15 du catalogue.
Bibliographie
- DEBON (Claude) et Peter READ, Les Dessins de Guillaume Apollinaire, Éditions Buchet-Chastel, 2008, reproduction p. 126 du catalogue
- DESSINS D'ECRIVAINS, Paris, Éditions du Chêne, 2003. Reproduction p. 67.