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Jean COCTEAU
Correspondance inédite avec Jean Triquenot, 1957-1963
Estimation :
25 000 € - 30 000 €
Vendu:
32 176 €

DĂ©tails du lot

Correspondance inédite avec Jean Triquenot, 1957-1963

20 janvier 1957-2 octobre 1963
Important ensemble de 52 lettres a.s., soit 60 p. in-4 ou in-12. 8 des lettres sont illustrĂ©es : 3 le sont par des profils de personnages masculins, 5 par des croquis ou des plans liĂ©s Ă  la rĂ©alisation des Ă©difices. Certaines Ă  en-tĂªte de la villa de Santo-Sospir, Ă  Saint Jean Cap-Ferrat ; 3 enveloppes conservĂ©es.
- Chapelle Saint-Pierre, Ă  Villefranche-sur-Mer. En cette annĂ©e 1957, Cocteau Ă©voque notamment ses difficultĂ©s administratives pour rendre la chapelle Saint-Pierre, dont les pĂªcheurs avaient fait un entrepĂ´t Ă  filets, Ă  sa fonction première. Cocteau, parti en cure Ă  Saint-Moritz, s'assure que les travaux vont bon train en son absence : " ce serait grave pour moi d'apprendre de loin que les choses restent sur place, alors que j'ai calculĂ© cette cure de telle sorte qu'elle ne retarde en rien mon travail. Je tiens terriblement Ă  votre aide, justement Ă  cause de votre supĂ©rioritĂ© profonde sur le technicien, qui ne m'apporte qu'une aide plate ". Sur les pĂªcheurs qui ne comprennent rien Ă  son travail : " Ces pĂªcheurs veulent bien toucher du fric, mais n'en jamais sortir de leur poche. […] La seule chose, c'est que je ne veux pas leur donner l'impression qu'ils peuvent compter sur moi, en dehors de l'effort sublime que je leur consacre " (20 janv. 1957). Il donne Ă  Triquenot des directives pour la rĂ©alisation des fresques (" Je vous serai très reconnaissant en mon absence de mener notre artiste Ă  Menton et de lui faire tracer un personnage sur le mur de la noce avec le modèle Bichon (bistre sombre) ainsi au retour je dĂ©ciderai de tout " (4 juill. 1957) et le rassure quant au choix de l'artisan (" Ne vous inquiĂ©tez pas votre peintre est remarquable et ce qui me marque est un orange vif et pur " (22 aoĂ»t 1957).
- La Chapelle de la Vierge Ă  l'Ă©glise Notre-Dame de France, Ă  Londres
L'accord anglais ayant Ă©tĂ© donnĂ© dès avril 1958, Cocteau lance les travaux prĂ©paratoires des murs : ils sont faits au poncif chez Triquenot, par son fils. " Les maquettes sont Ă  Londres. Le travail de Gaou consistera dans la mise Ă  point des emplacements et de l'enduit apte Ă  unifier le mur du triptyque. Il prĂ©parerait tout et me rapporterait les maquettes afin de prĂ©parer ensemble le dĂ©cor final. " (16 avr. 1958). Une fois ce travail fait, il adresse les mesures exactes (avec plan) de l'ensemble Ă  rĂ©aliser : " Mon bien cher Triquenot, Voici les mesures exactes [plan]. L'ambassade attend avec impatience. […] De tout cÅ“ur. Jean ". (28 avr. 1958). Mais ses problèmes de santĂ© le handicapent : " Ma santĂ© tombe Ă  pic et ne me permets plus aucune chose de ce genre. Je vais essayer de remonter la pente en montagne. […] Je vais avoir besoin de vous pour l'inscription au dessus de la porte de la salle de la mairie ". (6 aoĂ»t 1958). Sa santĂ© retarde mĂªme les travaux : " Je ne me vois pas Ă  Londres en Septembre et, en vrai, avant le printemps prochain. Mais je vous vois Ă  merveille prĂ©parant le travail. C'est pourquoi dès mon retour au Cap je m'efforcerai de faire le dernier panneau de la Vierge ". (17 aoĂ»t 1958). Touchante lettre sur sa santĂ© : " Je me ronge un peu, car cette immobilitĂ© d'hĂ´pital (et sur le dos) tombe sur une pĂ©riode oĂ¹ j'ai un gros travail de prĂ©sence. Heureusement Doudou [Edouard Dermit] a pu se rendre Ă  Paris et tĂ©lĂ©phoner les fautes et les corriger. Mais on ne travaille bien que sur place et de ses propre mains. Du reste, je ne crois pas la Chapelle [de Londres] et Menton responsables de mes globules, mais la bille que je me suis faite pour le film et le "mauvais sang" " (5 fĂ©v. 1959). Il demande Ă  son collaborateur de construire une maquette de la Chapelle et d'ajouter un petit coffret qu'il puisse coiffer d'un autre " comme les coffres du tombeau de Ramsès ".
Dans une longue lettre, Cocteau dĂ©taille son modus operandi pour rĂ©aliser ces fresques avec son collaborateur Triquenot : " Bien que je ne sache pas encore ce que je ferai sur l'autel (peut-Ăªtre des simples signes quasi gĂ©omĂ©triques pour ne pas accabler l'Å“il d'images et de plĂ©onasmes), je souhaite qu'on (je dis on, c'est toi, c'est ton fils) pose très lĂ©gèrement au fusain les lignes de l'ensemble des groupes (de manière Ă  ce que ce fusain puisse s'effacer au coup de torchon ou de plumeau). C'est lĂ -dessus que je changerai - donnerai le trait dĂ©finitif. Ensuite on repassera soigneusement ces lignes dĂ©finitives avec les lignes de couleurs.(comme Ă  la Chapelle, sauf que chaque personne aura sa couleur au lieu d'Ăªtre en bistre). " (9 mars 1959). Pour l'autel, il charge Triquenot de rĂ©aliser une maquette de la chapelle Ă  partir de laquelle il pourra mieux travailler : " Sois un ange : avec ton fils, fais-moi une vraie maquette (Ă  l'Ă©chelle de l'ensemble de mon travail, construit un autel en carton). Cela m'avance Ă  imaginer l'autel " (10 mat 1959). Mais Cocteau rĂ©primande lĂ©gèrement Triquenot : il prĂ©fère que les enfants auxquels il fait appel ne collaborent pas Ă  la rĂ©alisation des fresques : " les gosses sont des amours, je les aime, je les estime, mais le travail est du travail et ils ne peuvent encore se mĂªler d'une de ces graves aventures qui nous obligent Ă  ne rien nĂ©gliger de la naissance d'une Å“uvre Ă  sa fin. […] Un enfant ne pense pas la ligne. Elle reste morte, jusqu'Ă  ce qu'il retrouve le gĂ©nie que tous les gosses possèdent entre 5 et 9 ans. Continuer le travail sur cette base, c'est ma ruine et un suicide, cela doit passer avant la tendresse fraternelle pour votre famille. Cherchez une autre mĂ©thode et je reprendrai la besogne sans fatigue. " (9 avril 1959). Comme Triquenot lui fait des propositions d'amĂ©nagements, Cocteau les rectifie pour les adapter Ă  son style : " Le style arrondi convient toujours mal Ă  mes lignes, et je crois que ce mĂ©lange de transparence et de fresque rĂ©soudra le problème " (14 oct. 1962). Le poète rĂ©alise aussi le dessin de candĂ©labres : " J'ai prĂ©parĂ© le dessin de la croix et des candĂ©labres. " Evoque notamment Francine Weisweiller (pour laquelle il a rĂ©alisĂ© les fresques de la villa Santo-Sospir).
- Chapelle Notre-Dame de Jérusalem, à Fréjus
Les lettres datĂ©e de 1963, Ă  propos de la Chapelle Notre-Dame de JĂ©rusalem, Ă  FrĂ©jus sont plus nombreuses : gravement malade, Cocteau s'est retirĂ© Ă  Milly-la-ForĂªt ou ailleurs, et son Ă©change de lettres s'intensifie avec Triquenot, qui dirige les travaux Ă  FrĂ©jus. " Je suis heureux que la naissance de notre chapelle se produise sans haltes. " Le MaĂ®tre juge parfois durement la rĂ©alisation du travail qu'on lui soumet : " L'ensemble architectural me semble Ăªtre une assez belle rĂ©ussite, mais, hĂ©las, si consternĂ© que je sois de vous causer la moindre peine. Le malheur (rĂ©parable) c'est que je croyais, pour la couronne la grĂ¢ce mince et svelte des […?] au lieu de ces lourdes moquettes rondes et molles. La catastrophe, ce sont les portes, car toutes les lignes, mĂªme en imaginant les raccords, sont inexactes et ne sont plus Ă©crites dans ma langue. Par malchance, j'avais reçu, la veille, les photographies des vitraux de Metz et leur extraordinaire exactitude me prouve qu'on peut calquer au lieu d'improviser. Il m'est impossible de signer ce travail et je vous supplie de supprimer et d'attendre. Moretti connaĂ®t mes moindre lignes qui rĂ©sultent toutes d'un calcul " (26 juillet 1963). Il commente aussi les couleurs choisies : " La valeur du rouge est bonne, peut-Ăªtre le faudrait-il un peu plus sombre. Naturellement, je suppose que la ligne blanche ne compte pas. Il est essentiel que le rouge soit direct et sans ligne blanche. Je n'aime pas les bleus des Ă©chantillons - les vĂ´tres, l'un ou l'autre, me semblent mille fois [plus] merveilleux. […] Les petites croix internes n'ont pas encore trouvĂ© leur ligne noble. Laissez donc l'acadĂ©mie tranquille " (18 aoĂ»t 1963).
Afin de pouvoir venir terminer les travaux sur place lui-mĂªme, Cocteau demande en aoĂ»t Ă  Triquenot de lui concevoir une petite villa (voir lot…). HĂ©las, bien qu'il continue Ă  vouloir s'installer Ă  FrĂ©jus (" l'essentiel pour moi est de passer nov. et dĂ©c. Ă  FrĂ©jus, ensuite fin janvier et toujours ou presque " (27 sept. 1963)), sa santĂ© empire (" Crise terrible d'empoisonnement au visage et aux mains, par les antibiotiques ", 5 sept. 1963). Il annonce, dans une dernière lettre, sa venue prochaine : " Je compte arriver fin du mois et voudrait Ăªtre sĂ»r que tout soit en ordre. L'exĂ©cution des premiers vitraux de Metz par Brière est Ă©tonnante de faste et d'exactitude " (2 oct. 1963). Une crise cardiaque l'emportera le 11 octobre ; c'est Edouard Dermit et Jean Triquenot qui rĂ©aliseront les fresques sur les murs du sanctuaire d'après les esquisses laissĂ©es par Cocteau. Joint :
- 1 l.a.s. au maire de Saint-Jean-Cap-Ferrat, 6 juill. 1961.
- Copies des lettres que Triquenot a envoyées à Cocteau, permettant de mieux comprendre les réponses du poète.
- Copies de lettres de Cocteau adressées à Jean Triquenot. Ensemble de retranscriptions de lettres de Cocteau, dont parfois les originaux sont perdus.

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