Commentaire :
Adam de Coster reste un artiste peu connu aujourd'hui. Benedict Nicolson ne répertorie qu'une vingtaine de tableaux de sa main1 et seuls quelques inédits sont réapparus depuis. Il s'agit d'une des figures les plus énigmatiques et fascinantes du caravagisme nordique, encore à redécouvrir. Le principal trait de sa personnalité artistique nous semble résider dans le titre de la gravure de Pieter de Jode qui réalise son portrait d'après Anton van Dyck : " pictor noctium " (fig.1). Il est un " peintre de la nuit ", comme son contemporain hollandais 'Gherardo delle Notti' (Gerrit von Honthorst), lui aussi fasciné par le Caravage. Nous ne pouvons néanmoins affirmer que notre artiste traversa les Alpes pour rejoindre Rome et son foyer d'artistes nordiques malgré certaines affinités avec l'œuvre d'Antonio Campi. Les seuls éléments biographiques certains portés à notre connaissance sont qu'il était maître de la guilde d'Anvers en 1607 et 1608 et qu'un séjour à Hambourg est documenté en 1635.
La particularité de notre artiste est qu'il reste purement flamand tel Théodore Rombouts, Gérard Seghers, Jan Cossier ou Jacques de l'Ange. Si Hendrick ter Brugghen, Gerrit von Honthorst ou Matthias Stomer sont les illustres représentants de l'école caravagesque d'Utrecht, rares sont les figures flamandes qui se lancent dans les représentations caravagesques avec autant d'engagement et de façon aussi exclusive. Un éclairage à la bougie caractérise les toiles d'Adam de Coster : souvent une seule bougie, une seule source lumineuse vient irradier l'entièreté de sa toile.
C'est à nouveau le cas dans celle que nous présentons et qui, il y a peu encore, ornait les murs de la Rubenshuis d'Anvers. Un homme d'âge mur tient une bougie et nous regarde fixement, avec intensité. Son regard est grave et semble celui d'un homme expérimenté, déterminé. Ses mains sont fortes et charnues, ses carnations rosées, sa corpulence affirmée. Un jeune homme à l'inverse enjoué et spontané le regarde avec insistance, son sourire est large et ses lèvres rosées, sa main gauche repose sur l'épaule de l'homme plus âgé, sa main droite tient un verre de vin. Ce verre est la liaison, le trait d'union entre les deux figures. Tous deux tiennent la base de son pied, nous donnant l'impression que chacun veut s'approprier l'enivrant breuvage. La bougie placée au centre de la toile est l'unique point lumineux éclairant les figures, avec des jeux de lumières et d'ombres pleinement caravagesques.
Nous distinguons que l'artiste peignit avec vivacité sa composition, les coups de pinceaux sont rapides et nerveux avec de subtiles variations de réserves et d'empâtements. Quelle signification nous cache cette scène ? Quel rôle le vin vient jouer dans cette confrontation de deux êtres que beaucoup de choses semblent opposer ? Ce regard puissant, cette lumière mystérieuse, cette construction savante nous interrogent autant qu'ils nous fascinent.
1. B. Nicolson, 'Caravaggism in Europe', Turin, 1979, vol. I, p. 100-101 et vol. II, fig. 1592 à 1599.