Dessin original, signé " J. de Goncourt ", en bas à gauche, avec lieu et date autographes " Mâcon 1849 " en bas à droite, toutes inscriptions à l'encre et plume. Aquarelle et encre brune, 27 x 33 cm, encadrement sous verre.
Une fine aquarelle citée par Edmond de Goncourt dans son Journal. Dans la " description littéraire " qu'il y fit de son grenier le 14 décembre 1894, il indique :
" Dans cette pièce, comme dans l'autre, les deux fenêtres, en leurs rentrants, forment de petits cabinets d'exposition, en pleine lumière. L'un est tout rempli d'aquarelles de mon frère, exécutées en 1849, 1850, 1851, pendant nos années vagabondantes.
Voici une vue de la curieuse maison, en bois sculpté, de Mâcon [...]. "
Une " maison en bois " où Jules et Edmond de Goncourt situent leur récit Une revendeuse. En juin 1849, les deux frères entreprirent un tour de France qui les mena entre autres en Bourgogne et qui s'acheva finalement à Alger. Dans L'Éclair du 26 juin 1852, ils publièrent sous leur double signature une relation de leur passage à Mâcon, intitulée Une revendeuse, qu'ils intégreraient ensuite en 1856 dans leur recueil Une Voiture de masques. Ce court récit évoque leur visite à la brocanteuse madame Javet, établie dans la célèbre maison de bois de Mâcon - une des plus anciennes de la ville - située sur l'actuelle place aux Herbes :
" En remontant la rue qui débouche sur le pont de la Saône à Mâcon, vous trouvez à gauche une vieille maison en bois. -
La maison est trouée de petites fenêtres carrées qui bâillent, étranglées, pendant deux étages, entre des colonnettes cannelées, striées, imbriquées, losangées, rubannées, chacune d'un dessin différent du dessin de sa voisine. Sur les colonnettes s'appuient des frises peuplées de satyres et de femmes nues, celles-ci attaquant ceux-là à travers des guirlandes de fleurs en ronde-bosse, - naïve interprétation mythologique, que les Mâconnaises ne peuvent regarder qu'en échappade. - Quelques petites lucarnes aux toits pointus, sans volets, laissent entrer au grenier le vent l'hiver, le soleil l'été.
Le bois, qui a vieilli et pris les teintes rubiacées de l'acajou, est marqueté d'écriteaux numérotant toutes les industries qui se sont casernées dans cette gigantesque façade de bahut. Une tripière, un chaudronnier, un marchand de cartons, une fruitière, une blanchisseuse, se sont établis entre les piliers de bois. Les mous rose-rouge, les malles de carton aux arabesques jaunes, où les filles de la campagne apportent leur bagage quand elles viennent à Paris entrer en service, les linges blancs, les camisoles foncées, pendues comme une enseigne au-dessus des cuvées de savon, les carottes, les potirons éventrés, les chaudronneries cuivrées ou toutes noires de fumée, tout cela fait un tapage de tons sales et de devantures guenilleuses au pied de la maison de bois.
Entre la tripière et le cartonnier, à une fenêtre toujours hermétiquement fermée dont une persienne est rabattue et l'autre seulement entrouverte, vous apercevez, sur le rebord de la fenêtre, quelques poteries de Chine ébréchées ; vous apercevez, collée à la vitre, une feuille de papier sur laquelle est écrit : Madame Javet, marchande en vieux, et dans le fond de la pièce, obscurée des scintillements de vieil or, et comme dans un kaléidoscope plein d'ombres, les mille couleurs de quelque chose pendu aux murs.
Que si l'amour du rococo vous fait pousser une porte à côté de la fenêtre, vous entrez de plain-pied dans le domaine sombre et fantastique de Goya [...] "