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Frédéric-Auguste BARTHOLDI (1834 - 1904)
La Liberté éclairant le monde
Estimation :
40 000 € - 60 000 €
Vendu :
83 750 €

Description complète

La Liberté éclairant le monde
Plâtre teinté dans la masse, estampage repris, et clous

Signé 'ABartholdi' sur la terrasse
Hauteur : 49,50 cm (19,49 in.)

Liberty, tinted plaster, signed, by F. A. Bartholdi

Bibliographie :

en rapport :
'La Statue de la Liberté : L'exposition du Centenaire', Paris, musée des Arts décoratifs, 28 octobre 1986 - 1er février 1987

Commentaire :
La 'Liberté éclairant le monde' a occulté par son aura extraordinaire celle de son sculpteur et continue d'apparaître comme le plus grand symbole de liberté universelle.
A l'origine, l'idée de la commande pour les Etats-Unis vint d'Edouard de Laboulaye (1811-1883), homme politique français, fervent admirateur des penseurs et américanistes Alexis de Tocqueville et Benjamin Constant. Epris de libéralisme, il était convaincu que la France postrévolutionnaire ne parvenait pas à un équilibre entre liberté des institutions et régime constitutionnel stable. Laboulaye soulignait la distinction perdue entre culte de la Révolution pour la liberté de 1789 et révolution menée au nom du mépris de la liberté politique de 1793. En outre, il reprochait au système politique contemporain une aliénation de la souveraineté constituante par la puissance absolue du pouvoir législatif. Influencé par William Ennery Channing qu'il avait lu, Laboulaye apparaissait donc comme un philosophe politique, admiratif de la jeune pensée américaine. Dans la liberté qu'elle définissait, celle-ci avait une conception de perfectibilité infinie de l'individu, de goût du mouvement et des libres créations de la vie, contrairement à une idée plus européenne de progrès des mœurs et de la conscience collective. Cette énergie morale, il la transmit ou la partageait sans doute avec Auguste Bartholdi à qui la commande échut.

Descendant d'une famille allemande, que ne laisse pas soupçonner le nom latinisé de " Barthold " à " Bartholdi ", Auguste naquit à Colmar où sa famille s'était établie au XVIIe siècle. Formé dans l'atelier d'Ary Scheffer, ce dernier lui décela un talent certain pour la sculpture. Suivant le chemin de ses contemporains et accompagné du peintre Jean-Léon Gérôme, le sculpteur partit pour l'Orient dans les années 1850. Traversant les paysages nouveaux d'Egypte, du Yémen, il croqua et dessina avidement ce qui l'entourait. Frappé par la monumentalité des statues colossales de pharaons, il tentera d'en retrouver la puissance sculpturale et l'aplomb dans l'œuvre dont nous présentons une esquisse préparatoire. Revenu en France, Bartholdi participa à de nombreux concours publics et se vit particulièrement sollicité par sa ville natale. Membre de la loge maçonnique locale, aimant à concevoir l'art dans la liberté, la liberté dans l'art, Auguste Bartholdi n'eut pu trouver plus noble commande que l'allégorie de Liberty Island.

L'idée initiale de la Liberté éclairant le monde naquit au détour d'une allée de l'Exposition universelle de 1867. Bartholdi avait découvert, fasciné, le projet colossal de l'Isthme de Suez. Chantier mené par Ferdinand de Lesseps, l'ensemble s'inscrivait dans les grandioses aspirations égyptiennes. Le vice-roi Ismaïl souhaitait ainsi passer commande de grands phares destinés à border le littoral depuis Alexandrie jusqu'à Port-Saïd. Deux ans plus tard en avril 1869, le sculpteur proposait 'L'Egypte éclairant l'Orient'. Pour sa représentation de l'Egypte, Bartholdi prit le parti d'une allégorie féminine, en position dynamique, vêtue d'un léger voile tandis que son bras droit aurait brandit un flambeau tout destiné à éclairer les côtes égyptiennes à la nuit tombée. Si le projet ne retint pas l'intérêt de Lesseps et Ismaïl, sa première composition (fig.1, Colmar, musée Bartholdi) ne quitta pas l'esprit du sculpteur.

Lors d'un voyage aux Etats-Unis en 1871, alors épris plus que jamais de l'idée que l'homme doit apprendre à penser librement et se perfectionner moralement au service de l'humanité, Bartholdi se rapprocha d'Edouard de Laboulaye dont le discours faisait écho à ses aspirations nourries du contact de la franc-maçonnerie. L'idée plut et la commande passée au nom du rapprochement franco-américain à l'occasion de la commémoration de l'Indépendance américaine de 1776 fut le cadre idéal pour adapter le projet rejetté quatre ans plus tôt par l'Egypte. Cadeau de la France aux Etats-Unis, le montage de la statue se fit rue de Chazelles à Paris, tandis que la structure métallique fut conçue par les ateliers de Gustave Eiffel.

Notre plâtre teinté, estampage repris sur le modèle de la célèbre maquette Laboulaye (fig.2), constitue l'étape intermédiaire entre les premières pensées conservées au musée Bartholdi à Colmar et la composition définitivement figée pour l'éternité et qui éclaire encore aujourd'hui le monde depuis la baie de New-York. Notre 'Liberté' se tient la jambe gauche avancée, dégageant ses chevilles de chaînes tout juste brisées, son déhanché est plus prononcé que dans la version définitive et le bras gauche, abaissé et non relevé, tient un morceau de chaine et non encore la déclaration d'indépendance de 1776.
La posture dynamique venue du contrapposto mène notre regard dans une spirale s'évanouissant avec la flamme tenue à bout de bras. Le regard est déterminé et rappelle ce que le sculpteur put écrire à propos des statues pharaoniques qui l'avaient tant impressionné, dont il évoquait " le regard bienveillant et impassible qui semble mépriser le présent et être fixé sur l'avenir illimité ".

Le message de conquête et d'affirmation souhaité par le sculpteur évolua finalement au fil du temps. Notre œuvre, écho à l'original devenu symbole d'accueil aux exilés débarquant sur Ellis Island, demeure le témoignage historique des liens forts qui unirent la France et les Etats-Unis dès le XVIIIe siècle. Allégorie de la liberté, cette petite esquisse tout comme sa réalisation finale, sont l'œuvre d'un homme à l'âme engagée pour le bien-commun universel et le rayonnement des esprits libres.




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