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Georges SIMENON
Georges SIMENON
Estimation :
25 000 € - 30 000 €
Vendu:
25 741 €

Détails du lot

Georges SIMENON

Correspondance inédite à un fidèle lecteur, 1979-1987

13 l.t.s. (12 in-8,1 in-4) et 4 l.a.s. in-8 (total 19 p.), 15 cartes de correspondance (8 t.s., 7 a.s.), 8 cartes de vœux s., 6 photographies signées, 1 coupure de presse signée. Total de 47 documents a.s. ou s. Enveloppes conservées.
Simenon, qui se montre modeste et très accessible, répond parfois longuement à son "fidèle lecteur", notamment sur ses sources d'inspiration, ses méthodes d'écriture, le choix des noms des personnages ou de ses pseudonymes. Il se montre tout à fait indifférent aux livres critiques qui lui sont consacrés, ne regarde aucun des films tirés de ses œuvres et dit ne pas du tout se préoccuper du sort de ses œuvres après sa mort. Quant aux cocktails littéraires et aux autres écrivains, il ne les a jamais fréquentés ; Gide est le seul écrivain avec lequel il ait longuement correspondu : si différent de lui, Gide voyait en Simenon "le romancier […] à l'état brut, c'est-à-dire écrivant poussé par l'instinct et non par l'intelligence des soucis de forme". Simenon donne aussi son opinion sur le Prix Nobel, l'Europe, la peine de mort et communique ses goûts musicaux et littéraires, etc. Interrogé sur la destinée humaine, il répond que "poussière dans le cosmos, [il] se contente de [s]on rôle de poussière" ; et de souligner d'ailleurs que ses cendres seront dispersées dans son petit jardin de Lausanne, et que ses œuvres ne passeront peut-être pas à la postérité.
Commentant ces lettres, Jacques Dubois, éditeur de Simenon dans la Pléiade, est frappé "par le ton cordial est attentif qu'adopte l'écrivain envers quelqu'un qu'il connaît peu ou de loin. […] Simenon avait quelques convictions simples qu'il aimait à faire partager. Ressort tout de même de ces courtes lettres l'image d'un homme humble, qui accepte désormais la vie comme elle est et que ne postérité ne tourmente pas".
- 29 mai 1979 : "Si j'ai eu environ dix-sept pseudonymes, et non vingt-et-un comme certains journalistes l'ont écrit, c'est que je n'écrivais alors que des romans populaires et des contes, et que, comme parfois j'avais jusqu'à quatre volumes publiés en un mois chez le même éditeur, celui-ci exigeait des signatures différentes […]. C'est lorsque j'ai écrit, non pas en 1934, mais en 1929, mon premier roman Maigret que j'ai décidé de signer désormais les livres de mon nom." / - 10 oct. 1979 : "Ma Lettre à Maigret, dont je vous envoie photocopie, a été dictée par le plus grand des hasards. Le Nouvel Illustré faisait un reportage chez moi. Il voulait une photo de moi en train de dicter. Par jeu, j'ai dicté réellement et il en est sorti cette lettre à Maigret dont j'ai remis la bande enregistrée et rédacteur". / - 16 oct. 1975 "Votre lettre me touche beaucoup. L'information selon laquelle j'aurais échangé certains de mes manuscrits contre des photocopies de grands écrivains russes est inexacte. Ce qui est exacte, par contre, c'est qu'il existe, à la Bibliothèque Saltykov-Chtéchédrine à Leningrad, un fonds Simenon comme il existe un fond Gogol, un fond Dostoïevski, etc. Ce fond contient en effet un de mes manuscrits, que je n'ai échangé contre aucune photocopie. […] Une université américaine conserve soigneusement toutes mes œuvres en microfilm. Quant à L'université de Liège, il a été créé une chaire Simenon. Ce n'est pas ma faute si les universités françaises ne m'ont encore rien demandé." / - 18 janvier 1977 : "Il m'est difficile de vous dire quelles sont mes joies de vivre sinon la joie de vivre tout court. Je relis très peu d'auteurs. En musique, mes goûts me portent vers Bach et Mozart, en peinture vers les impressionnistes, en particulier vers Renoir". / - 14 nov. 1977. "Il est évident que ce n'est pas à moi de décider lequel de mes livres la postérité retiendra, pour autant qu'elle en retienne ce qui n'est pas du tout prouvé. Je ne vous cache pas cependant que ce sont toujours mes derniers livres qui m'intéressent le plus. Dans mes dictées, dont il y a encore sept volumes à paraître, sans compter ceux que je compte bien dicter encore". / - 1980 : "je ne suis pas malade, je n'ai jamais autant travaillé ni autant marché dans la nature". / - 22 fév. 1978 : "Je ne crois pas à la survie après la mort terrestre. D'autre part, j'aime passionnément la vie et par conséquent je désire m'en aller le plus tard possible". / - 23 mai 1980, à propos d'un livre écrit sur lui : "Sans doute il y a-t-il dans ce livre, comme dans les autres, un certain nombre d'inexactitudes, car il est des légendes tenaces qui m'ont suivi tout au long de ma vie. Votre lettre, en tous cas, témoigne de votre sympathie, et je vous prie de croire en toute la mienne." / - 25 juin 1981 : "J'ai peu fréquenté les écrivains et à plus forte raison les romanciers car je n'ai jamais aimé les cocktails littéraires ni appartenu à des groupes du même nom. J'ai été fort surpris un jour d'apprendre que Gide désirait faire ma connaissance. Je l'ai donc rencontré. Il m'a beaucoup questionné. Nous nous sommes revus par la suite et avons eu une assez bonne correspondance car il ne cessait de m'écrire pour me poser de nouvelles questions. Lui et moi étions à des pôles opposés. C'était un moraliste et un styliste. Je crois que ce qui l'intéressait en moi c'était le romancier si je puis dire à l'état brut, c'est-à-dire écrivant poussé par l'instinct et non par l'intelligence des soucis de forme. […] Ne pas oublier qu'à cette époque André Gide était une sorte de pontife de la littérature française, ce qui vous explique mon ton respectueux à son égard. Je l'ai très peu lu.". / - 5 oct. 1981 : il est un adversaire convaincu de la "'peine de mort qui n'a jamais empêché ou diminué la criminalité, au contraire !" / - 6 mai 1983 : "Je ne préoccupe pas du tout du sort de mes œuvres après ma mort. Ma seule préoccupation est celle de mes enfants et des personnes que j'aime". / - 17 oct. 1983 : "Toutes les journées sont faites de petites joies, bien que mes quatre-vingts ans en soient passés depuis plusieurs mois. Tout est bon à prendre dans la vie… à condition d'être deux, car je ne crois pas que je pourrais supporter la solitude. La principale de mes dernières joies me vient de mes promenades quotidiennes, soit au bord du lac, soit dans les rues de la ville. Quant aux autres, je me ferais taper sur les doigts par la censure si j'en parlais plus longuement." / - 19 avril 1985. "Le livre de Bressler est tendancieux et plein d'inexactitudes. Quant aux 10.000 francs il s'agit d'une vieille boutade. Le nom de Maigret m'est venu à l'esprit par hasard, comme celui de tous mes personnages, alors que j'ignorais que j'écrirais tant de livres à son sujet". / - 31 oct. 1985 : "Je n'ai jamais accepté de prix. Il y a plus de 20 ans que, cité parmi les "nobellissables", j'ai déclaré à la presse que je refuserais ce prix comme les autres." / - 30 avril 1986 : "il m'est bien difficile de répondre à votre question. J'ai connu en effet des personnalités de toutes les catégories mais ma devise étant "comprendre et ne pas juger", le choix que je ferais serait en lui-même un jugement." / - 22 août 1986 "Je passe une bonne partie de mon temps à répondre à mes lecteurs et il y en a dans le monde entier. Beaucoup de professeurs […]. J'ai peu de rapports avec le metteur en scène de cinéma ou le T.V. et je ne regarde pas les films ou téléfilms tirés de mes romans." / - 26 août 1987 : "Dans ma jeunesse, je ne pensais ni au succès ni à la gloire mais je me considérais comme un artisan. Je me considère encore comme tel et, quant à la gloire, je n'y crois pas." / - nov. 1987, à propos de la dispersion des cendres de son épouse : "Ces cendre sont été dispersées dans mon petit jardin des Lausanne, comme elle demandait par ailleurs, et je l'y rejoindrai un jour." Joints :
- Pipe et Crayon. L'auteur a aussi envoyé à son correspondant deux objets significatifs de son personnage d'écrivain : sa pipe, véritable synecdoque de Maigret, et un de ces fameux crayon jaunes. Ces objets sont accompagnés d'explications : "C'est avec plaisir que je joins un de mes crayons jaunes sur lequel je me suis efforcé d'apposer ma signature, ce qui n'est pas chose facile !" (11 mai 1982) et "je suis toujours fumeur de pipe et cela depuis l'âge de treize ans. Je vous en envoie volontiers une, même si elle n'est pas en très bon état, car je ne suis pas collectionneur et je fume toues les pipes que je possède" (6 juillet 1984).
- 6 portraits Simenon, la pipe à la bouche, signées et dédicacées. 5 tirages argentiques en noir et blanc, un en couleurs.

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