28
GAULLE Charles de.
3 L. A. S. (la 3e incomplète du début), octobre 1914, à sa mère Jeanne de Gaulle ; 4 pages in-12 (un bord rogné), 8 pages in-12 (manques marginaux), 5 pages in-12.
Estimation :
4 000 € - 5 000 €
Vendu :
5 904 €

Description complète

GAULLE Charles de.
3 L. A. S. (la 3e incomplète du début), octobre 1914, à sa mère Jeanne de Gaulle ; 4 pages in-12 (un bord rogné), 8 pages in-12 (manques marginaux), 5 pages in-12.

Lettres du lieutenant qui se rétablit à Cognac avant de repartir pour le front.


Cognac, 3 octobre. Il est arrivé la veille. « Cognac est une très gentille ville et contrairement à la plupart des villes du Sud-Ouest une ville opulente et propre. Un bon nombre de maisons superbes y sont à présent disponibles, celles des Allemands qui résidaient habituellement ici et y fabriquaient ou y maquillaient nos eaux-de-vie. Le Dépôt du Régiment y est admirablement installé et accueilli. Il regorge d’hommes en ce moment, car un bon nombre de soldats blessés achèvent de s’y rétablir. Le capitaine Bataille, encore incomplètement remis, y est arrivé hier, de Marenches et de Saxcé y sont aussi ; le commandant Batbedat vient de partir pour le front, remplacé par un chef de bataillon en retraite dans le commandement du dépôt. Comme je le pensais notre régiment a beaucoup souffert. Il reste au feu de ceux qui sont partis parmi les officiers de l’active : un chef de bataillon, trois capitaines et deux lieutenants (Corbeil et Rives). Une nouvelle m’a fait plaisir, j’ai été après Dinant proposé par le colonel pour la Légion d’Honneur. Mais qu’est-ce devenu ? Je ne me fais aucune illusion. On ne décore pendant la guerre que les officiers anciens et sur le point de l’être de toute façon, ou bien quelques-uns de plus jeunes qui ont décroché la lune. […] La bataille de l’Aisne continue à se développer lentement mais sûrement en notre faveur »…


Cognac 5 octobre. « Il fait ici un temps superbe, et d’après les dires des blessés et évacués qu’on amène ici, la pluie n’est pas tombée depuis plusieurs jours sur le pays. En ce moment, le 33e est dans les tranchées près de Reims à quatre ou cinq cents mètres des tranchées ennemies. Quelques actions de nuit peu importantes à entreprendre ou à repousser et un bombardement sans trêve à subir mais qui ne fait pas grand mal, voilà leurs occupations actuelles. Tous s’accordent à dire que tout le monde est en excellente humeur. Ils mangent par jour 700 gr. de viande par homme, font du café toute la journée. On leur distribue force cognac, cigares même. Bref pour nous les agréments de la campagne sont venus après la victoire, naturellement. La grande bataille se déroule sans que notre succès puisse faire de doute. Les deux gros efforts de l’ennemi sur la Meuse d’une part et dans la région de Roye d’autre part ont été brisés. Au contact notre volonté se réalise sans arrêt. Nous avons construit de toutes pièces jusque vers Béthune la deuxième branche d’un formidable compas. À présent, de Noyon à Arras toute notre aile gauche va marcher vers l’Est, enfonçant l’aile droite ennemie. La décision ne tardera plus guère. Les Allemands se préparent à attaquer Anvers avec fureur, et, si on y laisse les Belges livrés à eux-mêmes, je ne doute pas de la capitulation prochaine de la place. […] Namur [s’est] rendu immédiatement au moment de la bataille de Charleroi, alors qu’on comptait sur la place pour flanquer l’aile droite de notre armée ; voyant cela, le général Franchet d’Esperey a jeté dans la ville deux régiments disponibles dont le 148e (Régiment de Givet). Ces deux régiments ont été détruits entièrement, partie par l’ennemi, partie par la masse des fuyards belges affolés. Ce ne fut pas la moindre raison de l’échec de notre offensive sur la Sambre. À Anvers, l’armée belge se trouve paralysée, incapable maintenant d’une résistance sérieuse, noyée d’ailleurs au milieu d’une population innombrable et terrorisée […] À chaque sortie, les Belges n’ont pas pu tenir malgré les efforts désespérés du Roi Albert qui tâche de leur inspirer un peu de confiance. […] Tout cela explique l’insistance des Allemands à offrir la paix à la Belgique. […] Il n’est pas vrai que les Belges ont sauvé la France. La France s’est sauvée toute seule. D’autre part, je trouve dans ces défaillances la confirmation absolue de mes affirmations d’autrefois : en faisant de la politique flamingante, en refusant de renforcer leur armée, en faisant des sourires à l’Allemagne et des grimaces à la France, les Belges tournaient le dos à leur histoire et s’en trouvent châtiés »… Il annonce qu’il marche « deux heures par jour et j’entrevois comme prochain mon retour au front. Ce sera au meilleur moment »…


[Octobre 1914 ?]. « En réalité, selon moi tous nos malheurs sont venus d’une première offensive trop hardie en Lorraine où après quelques succès nous nous sommes heurtés à une contre-attaque allemande forcenée et inattendue (24 août). Nous avons eu là un gros échec qui a obligé le Généralissime [Joffre] pour rétablir les affaires à y engager la réserve qu’il destinait à sa gauche vers Charleroi. Ce malheur, combiné avec le retard imprévu des Anglais à notre gauche, a permis aux Allemands de développer leur mouvement débordant. Le général Joffre n’a pas voulu compromettre ses troupes dans une partie mal engagée. Il a préféré se replier où il est maintenant et y livrer bataille dans de bien meilleures conditions. Selon les dires de tous, partout les Allemands qui attaquent en masses et avec fureur ont eu des pertes épouvantables. Mais hélas ! nous en avons eu aussi de très cruelles. Les régiments d’infanterie d’active sont tous terriblement touchés surtout en fait d’officiers »… Etc.


LNC, I, p. 100-104.


On joint un fragment de lettre autographe (4 p. in-12) : « Il est d’une lumineuse clarté que la victoire finale est à nous et que la France a dans les mains l’occasion d’une fortune nouvelle ». Il évoque la mort d’Albert de Mun (6 octobre 1914), et commente la « prise d’Anvers »…

Provenance :
– Charles de Gaulle (1890 – 1970) ;
– Puis Philippe de Gaulle (1921 – 2024) ;
– Puis descendance.

Contacts

Administrateur des ventes
Tél. +33 1 42 99 20 02
degaulle@artcurial.com
Maxence MIGLIORETTI
Administrateur des ventes
Tél. +33 1 42 99 20 02
mmiglioretti@artcurial.com

Ordres d’achat & Enchères par téléphone

Kristina Vrzests
Tél. +33 1 42 99 20 51
bids@artcurial.com

Actions