Lettres d’Alger, évoquant ses rapports difficiles avec les Américains, notamment à propos du général Giraud.
14 juin. « Ma chère petite femme chérie, […] Ici, grande bataille comme il était à prévoir. Mais nous avançons. Opinion presque entièrement favorable et, pour la masse, enthousiaste. Résistance acharnée des Vichystes, Giraudistes et du “vieux” [le général Georges ?]. Si cela s’arrange finalement (nous le verrons dans les huit jours) tu devras venir à Alger. Je te donnerai alors toutes indications par télégraphe.
Tu ne peux te faire une idée de l’atmosphère de mensonges, fausses nouvelles, etc. dans laquelle nos bons alliés et leurs bons amis d’ici (les mêmes qui leur tiraient naguère dessus) auront essayé de me noyer. Il faut avoir le cœur bien accroché et la France devant les yeux pour ne pas tout envoyer promener. […] Ton pauvre mari C. »
24 juin. « Ici, comme prévu, je me trouve en face de l’Amérique et d’elle seule. Tout le reste ne compte pas. L’Amérique prétend imposer le maintien de GIRAUD dont aucun Français ne veut plus, ni ici, ni ailleurs. Elle prétend m’empêcher de gouverner. L’opinion ne cesse pas de monter en notre faveur dans toute l’Afrique du Nord. Il s’agit de savoir si les faits finiront par amener le Gouvernement de Washington à changer sa politique. En attendant, comme tu dois le voir, tous les reptiles à la solde du State Department et de ce pauvre Churchill hurlent et bavent à qui mieux mieux dans la presse anglo-saxonne. Tout cela est méchant, idiot, mais quoi ! c’est toute cette guerre.
Le terrain que j’ai choisi pour la lutte et l’indépendance française à propos de la rénovation militaire, je crois ce terrain bon. En tout cas, tous les “gaullistes”, innombrables à travers le monde, ont très bien compris quelle est la partie et me soutiennent avec passion »…
LNC, II, p. 364 et 367.