Annoté 'le bord des yeux peint en noir' au centre
The military governor Mohamed Ben Abou or Sidi Ettayeb Biaz, watercolor, by E. Delacroix
10.51 x 7.99 in.
Vente de l'atelier de l'artiste ; Paris, Hôtel Drouot, 1864, cachet (L.838a) en bas à droite ;
Collection Maurice Gobin (1883-1962), son cachet (L.1124b) en bas à droite ;
Puis par descendance ;
Collection particulière, Ile-de-France
Exposition Coloniale (Musée permanent), Paris, 1931, selon la tradition familiale
Delacroix au Maroc, Paris, musée de l’Orangerie, 1933, n° 23
Œuvre en rapport :
Un dessin de l’ancienne collection du baron Vitta représente la tête du même personnage (voir Raymond Escholier, Delacroix, Paris, 1927, éditions Floury, tome II, repr. p. 13, vente de la collection du baron Vitta, Artcurial, Paris, 27 mars 2009, n°14).
Cette superbe aquarelle représente traditionnellement le caïd Mohammed-ben-Abou, chef de l’escorte militaire de Delacroix pendant son expédition à Meknès. Maurice Arama reconnaît quant à lui les traits de Sidi Ettayeb Biaz, l’amin (administrateur) de la douane qui menait à Tanger les négociations préliminaires et convoyait les envoyés étrangers pour leur audience avec l’empereur1. Delacroix avait peint pour Mornay une aquarelle le représentant conservée au musée du Louvre (RF 4612)2. Delacroix a représenté également les deux personnages dans son tableau réalisé postérieurement, Le sultan du Maroc sortant de son palais de Meknès (Toulouse, musée des Augustins) qui obtint un grand succès au Salon de 1845.
Le 25 janvier 1832, Charles de Mornay, l’envoyé extraordinaire du Roi Louis-Philippe, posait le pied sur le sol marocain, escorté d’un traducteur, Antoine Desgranges, et d’un artiste, Eugène Delacroix. Ils furent accueillis par Sidi Ettayeb Biaz, puis gagnèrent le palais de la Casbah, où ils furent introduits auprès de Sidi Larabi Saïdi, pacha de Tanger. Le comte Charles de Mornay n’avait qu’une idée – rentrer en France au plus tôt, le traducteur était là pour son travail, et en vérité, l’ambassadeur de la France curieuse et attentive au monde nouveau fut donc Eugène Delacroix. « Nous avons débarqué au milieu du peuple le plus étrange… », écrit-il à son ami Pierret. « Je suis tout étourdi de ce que j’ai vu… Il faudrait avoir 20 bras et 48 heures par journée pour donner une idée de tout cela ». Tout au long de son séjour de six mois, Delacroix va s’employer frénétiquement à noter ce qu’il voit et ses impressions. « Imagine, mon ami, écrit-il à Pierret, ce que c’est de voir couchés au soleil, se promenant dans les rues, raccommodant des savates, des personnages consulaires, des Catons, des Brutus, auxquels il ne manque même pas l’air dédaigneux que devaient avoir les maîtres du monde. (…) L’antique n’a rien de plus beau. »
La feuille ici présentée est très soigneusement exécutée. On remarque que la feuille est légèrement teintée d’un jus brun, sauf dans la partie des burnous blancs, où Delacroix a laissé en réserve le papier, rendant son « blanc » encore plus éclatant. La pose des tons d’aquarelle a donc dû être mûrement réfléchie et faite à l’atelier, a posteriori d’un dessin au crayon pris sur le vif, comme tend à le montrer l’inscription concernant les yeux maquillés au khôl.
1. Voir Maurice Arama, Delacroix, un voyage initiatique, Paris, éditions Non Lieu, 2006, p. 51.
2. Ibid., p. 68.