Sans cadre
Bouillon 1983, repr. p. 149.
Bouillon 2020, repr. p. 11
Notre fusain constitue un rare dessin prĂ©paratoire Ă l’une des Å“uvres majeures du corpus de FĂ©lix Bracquemond, tant par son sujet qu’au niveau technique : le portrait au pastel d’Édouard Manet de 1864 que nous avons prĂ©sentĂ© lors de notre première vente, qui est venu enrichir en une pièce maitresse l’iconographie du maĂ®tre de L’Olympia. S’il opte ensuite pour un cadrage plus moderne et « japonisant » cher Ă Degas en dĂ©centrant lĂ©gèrement son modèle vers la gauche, Bracquemond adopte ici une pose assez conventionnelle. Alors que le visage n’est que rapidement suggĂ©rĂ© en quelques coups de fusain, notre dessin donne la part belle Ă l’élĂ©gant costume empreint du dandysme propre Ă Manet, ainsi qu’à l’attitude nettement soulignĂ©e de la main gauche portĂ©e sur la hanche. De dimensions initialement plus importantes, le pastel aurait Ă©tĂ© modifiĂ© après la guerre, peu avant la rĂ©trospective de Marie Ă la galerie Bernheim-Jeune, par Pierre Bracquemond, ce dernier jugeant prĂ©judiciable le caractère trop esquissĂ© de la partie infĂ©rieure[1]. Il reste le traitement minutieux du visage qui trahit l’acharnement patient du graveur, par un crayon virtuose retranscrivant chaque carnation en minuscules pointillĂ©s. C’est cette technique singulière qui fait toute la spĂ©cificitĂ© de Bracquemond, et qui ne manqua pas d’éblouir jusqu’à Manet lui-mĂªme : « [Je] pensais vous faire des compliments sur votre portrait. […] la tĂªte est très bien en somme et vous fera grand honneur[2]. »
[1] Signalons que les deux morceaux manquants sont aujourd’hui encore conservés en main privée, ils ont été récemment publiés par Jean-Paul Bouillon, qui a reconstitué digitalement notre pastel : Bouillon 2020, p. 9-10.
[2] Lettre d’Édouard Manet à Félix Bracquemond, circa 1864, in Bouillon 1983, p. 148.