(Fentes restaurées)
Self-portrait with a top hat, oil on panel, by Félix Bracquemond
21.06 × 18.50 in.
Inédit, ce saisissant autoportrait à l’huile sur panneau de Félix Bracquemond peut être daté des années 1860, et paraît vouloir nous renseigner un peu plus sur la personnalité et les aspirations esthétiques de l’artiste. En usant d’une gamme chromatique quasiment réduite aux seuls noirs et blancs de ses gravures, le peintre fait émerger en un puissant clair-obscur les saillies de son visage sur un fond indéterminé et sombre, tel un masque spectral. Le haut-de-forme, comme sa barbe drue, ne semblent qu’être prétexte à noircir davantage le panneau, seulement éclaircis par les quelques traits visibles de Bracquemond, ses arcades sourcilières marquées, son nez un peu épaté sous ses grands yeux noirs (fig. 1). Par la filiation évidente qu’il entretient avec la peinture de Rembrandt, cet autoportrait singulier résonne comme un manifeste artistique en faveur d’un nouveau réalisme qui sait puiser ses références dans les maîtres anciens. A l’instar de ses amis Manet et Fantin, Bracquemond opte à l’époque pour le « grand art » des musées, qu’il ambitionne de renouveler par de nouvelles formes d’expressions picturales. De condition modeste, présenté par son camarade Jules Laurens comme le « gavroche1» des ateliers, il fait du Louvre sa seconde demeure et ne cesse d’en arpenter les allées, à la recherche de sources d’inspiration. C’est ainsi que notre tableau peut être directement rapproché de l’Autoportrait de Rembrandt qui y est conservé, tant d’un point de vue plastique que par son sujet même (fig. 2).
Bracquemond voue une profonde admiration pour le maître néerlandais, allant jusqu’à lui reconnaître en partie la paternité de son œuvre : « Ce fut l’aube d’une manifestation nouvelle. Rembrandt en est peut-être la plus puissante personnification. De lui date l’art moderne2 ». Comme un signe du ciel, il est amusant de noter que cette intimité avec le peintre de la Ronde de nuit a peut-être favorisé la rencontre de Félix et Marie au Louvre en 1867 car, non sans une certaine légende, cette dernière aurait eu lieu pour la première fois devant une toile de Rembrandt.
1. Laurens, Jules, La Légende des ateliers, Carpentras, 1901, p. 449.
2. Bracquemond, Félix, Du dessin et de la couleur, Paris, G. Charpentier, 1885, p. 172.
Fig. 1 : Anonyme, Portrait de Félix Bracquemond, circa 1865, tirage sur papier albuminé.
Fig. 2 : Rembrandt Harmenszoon van Rijn, Autoportrait au chevalet et à l’appuie-main de peintre, 1660, huile sur toile (111 x 90 cm), Paris, musée du Louvre.