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Nicolas LOYR
Le Jugement de Salomon
Estimation :
30 000 € - 40 000 €
Vendu :
39 360 €

Description complète

Le Jugement de Salomon
Huile sur toile

The judgment of Salomon, oil on canvas, by N. Loyr

35.43 x 51.18 in.

130 cm x 90 cm
Provenance :

Probablement vente de la succession de Carle van Loo fils ; Paris, Hôtel d'Espagne, 28 février 1770, n° 6 (« Le Jugement de Salomon par Loir, dans le style du Poussin. Hauteur 2pieds 9po sur 4 pieds de large [87,4 x 128 cm] ») ;

Probablement vente après décès de François Boucher ; Paris, 18 février-9 mars 1771, n° 42 bis (« Le Jugement de Salomon du mesme Nicolas Loyr. Sur toile, de 2 pieds 9 po de haut sur 4 pieds de large [87,4 x 128 cm] ») ;

Vente anonyme ; Londres, Sotheby’s, 9 avril 1986, n° 74 (comme Thomas Blanchet) ;

Vente anonyme ; Londres, Sotheby's, 28 octobre 1987, n° 74 (comme Thomas Blanchet) ;

Galerie Jean-Max Tassel, Paris, vers 1992-1996 (comme Nicolas Loir) ;

Vente anonyme ; Paris, Espace Tajan, 9 décembre 1999, n° 59 (comme Nicolas Loir), repr. ;

Vente anonyme ; Paris, Hôtel Drouot, Mes Rieunier & Bailly-Pommery, 16 juin 2000, n° 72 (comme Nicolas Loir), repr. ;

Vente anonyme ; Paris, Hôtel Drouot, Mes Blanchet & Associés, 11 décembre 2006, n° 17 (comme Nicolas Loir) ;

Collection particulière, Bretagne

Expositions :

Les amis français à Rome de Nicolas Poussin, Paris, Galerie Jean-Max Tassel, 1993-1994, p. 26-28, repr. en couleur p. 27

Bibliographie :

Lucie Galactéros de Boissier, Thomas Blanchet : 1614-1689, Paris, 1991, p. 377, PR 2 (repr. p. 376, fig. 294)

Marcel-Jean Massat, L'œuvre de Nicolas Loir : peintre ordinaire du roi et recteur en son Académie royale de peinture et de sculpture, mémoire de DEA, Paris IV, 1998, p. 36

Moana Weil-Curiel, "A propos de Nicolas Loir (1623-1679)", Revue du Louvre, n° 2, avril 2000, p. 55 et p. 58, note 24

Gazette de l’Hôtel Drouot, 1er décembre 2006, p. 137, repr.

Commentaire :

Le Premier Livre des Rois (III, 16-28) rapporte que deux femmes avaient chacune mis au monde un enfant, l’un étant mort étouffé, elles se disputaient l’enfant survivant. Pour régler le désaccord, Salomon ordonna de partager l’enfant vivant en deux et de donner la moitié à chacune. L’une des femmes déclara alors qu’elle préférait renoncer à l’enfant plutôt que de le voir sacrifié. Salomon constatant ainsi qu’elle était la vraie mère, lui fit remettre le nourrisson. Ce sujet qui illustre la sagesse de Salomon est souvent représenté dans les Arts.

 

Ce superbe tableau offre de très beaux exemples des talents reconnus depuis longtemps à Nicolas Loyr : celui d’être un grand coloriste, n’hésitant pas à utiliser des contrastes de couleurs franches, et celui d’être particulièrement doué pour représenter au mieux les jeunes femmes et les enfants. Le choix de couleurs denses et lumineuses, jusqu’à l’usage du bleu lapis pour certains drapés, et le type assez caractéristique des figures et des visages, assez ronds avec l’œil dessiné par la paupière supérieure, confirment la réattribution de ce tableau à Nicolas Loyr due à Jean-Max Tassel en 1994.

 

On reconnaît, au premier regard, le modèle illustre dont il s’est inspiré ici : le tableau peint en 1649 (selon Félibien) par Nicolas Poussin (1594-1665) pour Jean Pointel (v. 1585-1660) (Paris, musée du Louvre1) qu’il aura peut-être vu peindre. En effet, Nicolas Loyr séjourne à Rome de 1647 à 1649, en compagnie de Félibien, et ils visitent à plusieurs reprises le peintre2. Selon Bellori, Nicolas Poussin considérait que son Jugement de Salomon était son meilleur tableau 3: il s’y est rarement montré aussi soucieux de charge morale et attentif à rendre au mieux l’intensité du drame, par l’expression des principaux personnages, comme dans son choix de couleurs crues.

 

Mais, à l’opposé de sa réputation tenace de simple copiste de Nicolas Poussin ou de Sébastien Bourdon (1616-1671), qui fut son maître, Nicolas Loyr apporte toute une série de variations à son modèle : dans un format un peu plus large, il ouvre la scène sur un ciel et des architectures, assez proches de son Mariage de la Vierge conservé à Budaspest4, et il multiplie les personnages, au premier comme au second plan, ce qui atténue la force morale et symbolique du sujet et rend le tableau plus séduisant aux amateurs. Le dispositif d’arcades ouvrant sur d’autres architectures, permet d'envisager que Nicolas Loyr a réutilisé certaines des sources qui ont inspiré Poussin : le Christ disputant les docteurs, gravé par Jan Wierix pour le Evangelicae historiae Imagines de Jérôme Nadal publié à Anvers en 15935 et le Peccatrix mulier (1568), gravure d’Aliprando Caprioli d'après un dessin de Federico Zuccaro (1542/43-1609). Mais il ne reprend pas, contrairement à son modèle, la position des deux femmes, directement inspirée de la fresque des Loges du Vatican où Raphaël a traité ce sujet. Une datation vers 1650, soit immédiatement après son retour de Rome, semble pouvoir être proposée.

 

Dernier détail, qui témoigne de la durable réputation de Nicolas Loyr : La jeune femme qui essaye de cacher le drame à son enfant, qu’on remarque au deuxième plan à droite, a inspiré un artiste français du XVIIIe siècle, époque où le tableau conservait sa véritable attribution : un dessin conservé au Louvre6, annoté « Le Sueur » mais rapproché entretemps de Pierre-Charles Trémolières, reprend précisément ce motif.


1- Nicolas Poussin, Le Jugement de Salomon. Paris, musée du Louvre, Inv. 7277, T 101 x 150 cm.

2- Il connaissait sans doute aussi la gravure de Jean Dughet éditée après 1653.

3- « affirmando esse la megliore da esso dipinta » Giovanni Pietrio Bellori, Le vite de' pittori, scultori et architetti moderni , scritte da Gio. Pietro Bellori, Mascardi, Rome, 1672, p. 452. Affirmation reprise par le grand connaisseur que fut Louis-Henri Loménie de Brienne (1636-1698) (« Le Poussin n’a jamais mieux peint »).

4- T. 108 x 140 cm. Budapest, Musée des Beaux-arts, Szépművészeti Múzeum Inv. 667.

5- Matthias Bruhn, « A Source for Poussin's 'Judgment of Solomon », The Burlington Magazine, janvier 1995, p. 19-20.

6- Attribué à Pierre-Charles Trémolières, Femme dérobant son enfant à la vue d’un spectacle. Pierre noire, rehauts de blanc sur papier gris-vert, 295 x 170 mm. Paris, musée du Louvre, Département des arts graphiques, Inv. 33142. Ce rapprochement est aussi dû à Jean-Max Tassel.

 


Nous remercions Monsieur Moana Weil-Curiel de nous avoir aimablement confirmé l'authenticité de ce tableau dans un courriel du 16 avril 2024 ainsi que pour son aide à la rédaction de cette notice.

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