Comprenant trente rouleaux et sept manuscrits guèzes de différentes tailles, dont deux rouleaux pliés dans leur longueur, la plupart renforcés à leur tête avec une pièce de cuir et avec cordelettes, parmi les sept manuscrits, deux sont reliés en accordéon, deux ont une reliure en cuir souple et trois avec une reliure de type copte en bois, un avec un étui en cuir.
De longueurs variées, le rouleau le plus large : 20 cm
Collection particulière française de Monsieur M. (1934-2024)
Puis par descendance à l'actuel propriétaire, collection particulière française
On compte parmi les manuscrits phares de la collection :
(Inv. 19) un rouleau du Tigray, datant probablement du XVIIe siècle qui inclut trois illustrations dont un « filet de Salomon » et une représentation de démons attaquant Salomon.
(Inv. D) un rouleau particulièrement rare associant les iconographies chrétienne et fallacha (juive) dont des candélabres.
(Inv. N) un rouleau du XIXe siècle en excellente condition qui contient une multitude d’illustrations de filets stylisés destinés à attraper des démons.
(Inv. Z) un manuscrit contenant des motifs auspicieux, probablement utilisé comme manuel de formation ou de référence pour les dabtaras (diacre/sorcier) sur les techniques de production des manuscrits talismaniques.
(Inv. 35 et No. 37) deux manuscrits qui seraient des copies du « Cycle des Rois » (Awdä Nägäst) avec leurs diagrammes circulaires typiques.
Une description complète de la collection est disponible sur demande auprès du département.
La production de rouleaux magiques, souvent destinés à soigner les malades, est une ancienne tradition dont les origines remontent probablement à l’empire d’Aksoum et aux débuts de la chrétienté en Ethiopie. En effet, la maladie était souvent vue comme le résultat d’attaques d’esprits maléfiques incarnés par des démons. Les malades ou ceux souhaitant se protéger de la maladie cherchaient donc l’aide de dabtaras, sortes de diacres itinérants, pour produire ces rouleaux magiques, mélanges de talismans et de versets de la Bible.
Les rouleaux étaient supposés capturer les démons avant qu’ils n’investissent le corps de leur victime, ou bien de les en faire sortir afin qu’elle guérisse. Chaque rouleau était adapté à son commanditaire en fonction, par exemple, de son signe astrologique. Souvent, la longueur même du rouleau correspondait exactement à la taille du commanditaire afin d’apporter une protection totale, « de la tête aux pieds ».
Les rouleaux faisaient partie d’un rituel ordonné par le dabtara et devaient être portés par le malade jusqu’à sa guérison ou disparition du danger. Une fois utilisé, le rouleau perdait son usage et était enterré rituellement. Très peu de rouleaux antérieurs au XIXe siècle ont survécu pour cette raison.
L’Eglise orthodoxe éthiopienne semble avoir eu une opinion négative de ces pratiques rituelles et de la production de ces rouleaux, en soutenant toutefois la lecture et la récitation des écritures saintes qui faisaient parties de ces cérémonies de guérison. Ces rouleaux montrent aussi l’influence des pratiques hétérodoxes de l’Islam dans lesquelles le port sur la personne de rouleaux talismaniques est une pratique attestée.
Références :
Mercier, Jacques, Art That Heals: The Image as Medicine in Ethiopia, New York, 1997
Mercier, Jacques, Ethiopian Magic Scrolls, New York, 1979
Windmuller-Luna, Kristen; « Ethiopian Healing Scrolls » In Heilbrunn Timeline of Art History, The Metropolitan Museum of Art, New York, 2000