En placage de satiné et amarante, ornementation de bronze ciselé et redoré en partie rapportée, dessus de cuir gainé doré aux petits fers ceint d’une lingotière en bronze, la ceinture ouvrant par trois grands tiroirs et deux tiroirs secrets flanquant le tiroir central encastré, les côtés ornés de masques de Bacchus et volutes d’acanthe, les montants galbés surmontés de têtes de chinoises et terminés par des griffes ; restaurations, accidents et manques au placage
H. : 76 cm (30 in.)
l. : 202 cm (79 ½ in.)
P. : 95 cm (37 ½ in.)
Provenance :
Baron Alfred de Rothschild (1842-1918) à Halton House, Buckinghamshire ;
Son neveu, Baron Lionel Nathan de Rothschild (1882-1942) ;
Le fils de ce dernier, Baron Edmund de Rothschild (1916-2009) ;
Sa Vente, Christie’s Londres, le 3 juillet 1975, lot 65 (Fig. 1) ;
Vente à Paris, Hôtel Meurice, le 1er décembre 1976, lot 177 ;
Ancienne collection Akram Ojjeh (1918-1991) ;
Sa Vente, Christie’s Monaco, les 11-12 décembre 1999, lot 53 (FF. 4,192,500) ;
Ancienne collection Djahanguir Riahi (1914-2014).
Bibliographie :
B.E. Escott, The story of Halton House, Country Home of Alfred de Rothschild, 2008, p.70 (illustré).
A. Pradère, Charles Cressent, sculpteur, ébéniste du Régent, Éditions Faton, Dijon, 2003, p.265, fig. 44 (illustré).
A Regence gilt-bronze mounted, satinwood and amaranth bureau plat, attributed to Charles Cressent
Au sein de l’œuvre de Cressent les bureaux plats restent les meubles les plus connus et même si leur proportion est relativement faible dans son corpus, ils laissent l’image la plus nette de l’art de Charles Cressent chez ses contemporains. À ce titre, rappelons qu’un bureau de Cressent d’un modèle comparable au notre est illustré sur le célèbre portrait de l’Ambassadeur de Turquie Saïd Mehmet Pacha peint en 1742 par Jacques-André-Joseph-Camelot Aved (cfr. fig. 2).
Notre bureau appartient à la toute première partie de l’œuvre de Cressent, au début de années 1720. L’influence de l’œuvre de
André-Charles Boulle est claire dans le choix des ornements en bronze, le galbe puissant des pieds et la forme générale du bureau. En effet, les têtes de femmes aux angles coiffés d’un chapeau chinois, se retrouvent sur des bureaux plats en marqueterie d’écaille et laiton produits par l’atelier de Boulle dans les mêmes années tout comme les masques de faune ou les chutes feuillagés qui décorent la partie basse du bureau. Cependant comme on remarque en observant notre pièce, Cressent s’éloigne de l’œuvre de Boulle avec un allègement de la ligne de la ceinture ainsi que l’allongement des tiroirs latéraux au détriment du tiroir central.
Notre bureau appartient à un groupe de six pièces qui ont été identifiées par Alexandre Pradère dans la monographie qu’il dédia à l’œuvre de Cressent sous la section «Bureaux Plats à Têtes de Chinoises» (cfr. A. Pradère, Charles Cressent, Éditions Faton, Dijon, 2003, p.265) :
- Un premier exemplaire provenant de l’ancienne collection Charles Dupleix de Bacquencourt, duc de Camaran, au Château de Courson (muni jusqu’au début du XXe siècle de son cartonnier)
- Un deuxième acquis par J. Paul Getty en 1949 et aujourd’hui conservé au Getty Museum de Los Angeles
- Un troisième autrefois dans la collection Josse vente à Paris, le 29 mai 1894, lot 152, puis collection Doucet, puis collection Ernest Cronier, vente à Paris, le 4 décembre 1905 et enfin collection François Coty, vente le 1er décembre 1936, lot 84 (disparu pendant la Guerre)
- Un quatrième bureau autrefois chez le Duc de Sutherland à Trentham (vente le 6 juillet 1925, lot 485).
- Un dernier exemplaire provenant de la collection Béhague ou il se trouve toujours aujourd’hui.
Comme tous les exemplaires mentionnés hormis celui de l’ancienne collection Sutherland, notre pièce présente une péculiarité que l’on retrouve sur des autres grands bureaux de Cressent : les masques d’homme barbu qui entourent le tiroir central dissimulent deux tiroirs secrets de la même profondeur que les autres.
Cette particularité, qui semble avoir été une invention propre de Cressent afin de permettre à un secrétaire de renouveler l’encre, la cire à cacheter ou le papier, sans avoir accès aux trois autres grands tiroirs, qui pouvaient ainsi rester fermés à clef.
Une Provenance prestigieuse : Rothschild-Ojjeh
La rareté de ce modèle est accrue par sa Provenance prestigieuse ; en effet on le retrouve sur une photo de 1892 illustrant le salon de Halton House (cfr. fig. 3), la résidence située dans la comté anglaise du Buckinghamshire appartenant au Baron Alfred de Rothschild (1842-1918).
Alfred hérita Halton de son père, le Baron Lionel de Rothschild (1808-1879) ; cependant c’est Alfred qui donna à la propriété son aspect actuel de château dans le plus pur style de la Renaissance française après avoir mené d’importants travaux de rénovations qui se termineront en 1884 avec l’inauguration officiel de la demeure en présence du prince de Galles, ami proche du baron. À la mort du baron en 1918 Halton et son contenu son hérité par son neveu, Lionel Nathan de Rothschild (1882-1942).
Une analyse de la photographie nous permet d’avancer une identification formelle avec notre exemplaire.
En effet, notre bureau est le seul de la série de six mentionnés dessous ou les cadres de bronze des deux grands tiroirs de la façade affectent un contour plus arrondi des autres ; cela est clairement visible sur la photo du bureau de Halton.
Il est intéressant de signaler que dans la même photo on aperçoit à l’arrière-plan un autre grand bureau plat de Cressent du même modèle que le nôtre ; or on peut donc supposer que le Baron de Rothschild avait une paire de bureaux du même modèle. Malheureusement, la qualité de l’image ne nous permet pas de l’identifier avec certitude.
Quoi qu’il en soit, notre exemplaire resta dans la famille Rothschild même après la vente de Halton au département de la défense anglais car nous retrouvons le bureau dans une vente londonienne dans les années 70 comme étant la propriété du baron Edmund de Rothschild (1916-2009), le fils du baron Lionel Nathan.
Le bureau intègre par la suite la collection de l’homme d’affaires et collectionneur d’art saoudien Akram Ojjeh (1918-1991) ; notre bureau habite alors les salons de son somptueux hôtel particulier parisien de la place des États-Unis (cfr. Fig. 4)