Figure en terre cuite
Reposant sur une base carrée entièrement moulée ; signée L.D. F. ROMAE et gravée de la signature de l’Hercule antique : Γλyκωn Αθηναίος εποίει (Glykon Athenaios epoiei)
Dimensions : 51,8 x 20 x 17,5 cm (20 ½ x 7 ¾ x 6 ¾ in.)
Provenance :
Succession de Laurent Delvaux : le 2 mars 1778, l'œuvre est dévolue par héritage à Jean-Godefroid Delvaux ;
Bruxelles, collection Laurent Delvaux-de Saive ;
Collection Louis Delvaux-Lauwers ;
Ixelles, collection Octave Delvaux-de Breyne (Willame) ;
Bruxelles, collection Mme Madeleine Verstraete ;
Puis par descendance au propriétaire actuel.
Bibliographies :
G. Willame, Laurent Delvaux, 1696-1778, Bruxelles-Paris : G. Van Oest et Cie, 1914, p. 57, n° 51.
M. Devigne, De la parenté d'inspiration des artistes flamands du XVIIe et du XVIIIe siècle. Laurent Delvaux et ses élèves, Mémoire de l’Académie royale de Belgique, Classe des Beaux-Arts, 2e série, II, fasc. 1, 1928, p. 10. A. Jacobs, Laurent Delvaux 1696-1778, Paris, Arthena, 1999, p. 106, fig. 32, p. 246, cat. n°S. 29, p. 206.
A terracotta figure of the Farnese Hercules, by Laurent Delvaux (Gand 1696 - Nivelles 1778), Rome, 1728-1732
Laurent Delvaux (1696-1778) est, avec son élève Gilles-Lambert Godecharle, le sculpteur flamand qui incarne le mieux l’esprit du XVIIIe siècle. Il fut l'un des premiers sculpteurs flamands de son époque à quitter son pays natal à la recherche d'un patronage anglais. Il arriva à Londres en 1717, à l'âge de 21 ans, et obtint rapidement des commandes pour des monuments funéraires à l'Abbaye de Westminster. Les années 1720 furent prospères, et il travailla activement seul ou en collaboration avec Peter Scheemakers le Jeune (Anvers 1691-1781), expatrié pour d'importants amateurs et collectionneurs d'art anglais tels que Lord Castlemaine, le Comte de Rockingham, Sir Andrew Fountaine et enfin le 4ème Duc de Bedford à Woburn Abbey, où est actuellement conservée la plus importante collection privée de sculptures par Delvaux.
Grâce à la recommandation de sir Andrew Fountaine auprès du puissant cardinal Lorenzo Corsini, qui montera sur le trône pontifical en juillet 1730 sous le nom de Clément XII, Delvaux n’eut guère de difficulté à s’insérer dans le milieu artistique romain. Lorsqu’il arrive à Rome en 1728, il est déjà un artiste confirmé, un sculpteur maîtrisant pleinement son art. Son intention en effectuant le voyage à Rome était l’étude des antiques et de la statuaire baroque. Delvaux demeura quatre années à Rome, de 1728 à 1732 et logea au Palazzo Zuccari, Via Gregoriana, actuel siège de la Bibliotheca Hertziana (Max-Planck-Institut).
Plusieurs terres cuites, certaines signées ou monogrammées de Rome, témoignent de son désir de pénétrer les secrets de l’émotion que le contact avec les originaux antiques en marbre peut susciter chez un artiste sensible à l’idéal classique. Il s’agit de copies de l’Apollino (coll. part.), du Porcellino (loc. inc.) et de la Vénus accroupie (loc. inc.) conservés alors à la Villa Medici, de la Jeune fille Vénus à la coquille (Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts), l’Hermaphrodite (loc. inc.) et de l’Éros et la Centaure (loc. inc.) appartenant à la galerie Borghèse, de la Flore (Namur, musée Groesbeek de Croix) et de l’Hercule visibles au palais Farnèse avant qu’ils ne soient transférés à Naples dans la seconde moitié du XVIIIe siècle.
Ces interprétations réduites en terre cuite de Delvaux, notablement l’Hercule Farnèse, sont de consciencieuses études qui attestent de sa pleine maîtrise du travail de modelage, ainsi que de sa dextérité à rendre avec finesse et délicatesse les moindres détails de la statue originale, la musculature, la chevelure bouclée et la barbe chenue, la peau du lion, jusqu'aux nœuds du bois de la lourde massue.
Cette figure d'Hercule se réfère à un célèbre marbre romain, datant du IIIème siècle après J.-C., actuellement au Museo Nazionale de Naples, lui-même tenant son origine d'une sculpture en bronze datant du IVème siècle avant J.-C., probablement réalisée par le sculpteur grec Lysippe de Sicyone. La sculpture romaine fut découverte dans les Thermes de Caracalla à Rome, en 1556, et acquise par le Pape Paul III Farnèse, d'où son appellation Hercule Farnèse. Elle fut exposée par la famille Farnèse sous les arcades de la cour du Palais Farnèse à Rome. Ce marbre antique fut très certainement étudié par Delvaux d'après des gravures petits bronzes, ou copies en marbre lors de son séjour en Angleterre, avant que celui-ci l'observe de visu lors de son voyage à Rome en 1728.
Son talent de copiste se traduit ici également dans le rendu de l'expression grave du héros. Malgré sa taille modeste, cette terre cuite n'a pas perdu pour autant l'allure monumentale de la statue originale (Jacobs, 1999, p. 246). Toutefois, artiste du XVIIIe siècle, Delvaux a su affiner le corps du héros et en adoucir les contours. Ces diverses sculptures d’antiques sont aussi les plus anciennes terres cuites que l’on connaît de la longue carrière du sculpteur.
Delvaux a réalisé plusieurs versions d'Hercule: une statue en marbre grandeur nature de l'Hercule Farnèse pour Lord Castlemaine réalisée vers 1722 à Londres et aujourd'hui conservée et exposée à Waddesdon Manor, en Angleterre; et pour les autres versions il s’inspira de la sculpture en terre cuite ici présente : pour réaliser un Hercule en marbre (mi-XVIIIe siècle, anc. Collection Yves saint Laurent, lot 403, Vente Christie’s Paris, le 25 février 2009), un Hercule assis au repos en marbre (Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts, inv. 6296) et surtout pour concevoir, à l’âge de plus de soixante-dix ans, la statue monumentale de l’Hercule « alchimiste » en marbre de Carrare, placée au pied de l’escalier d’honneur du Palais de Charles-Alexandre de Lorraine à Bruxelles (1768-1770, in situ).
Selon Alain Jacobs le style de la présente sculpture est très proche de celui présent de Waddesdon Manor, et est également celui qui exprime le mieux le caractère héroïque d'Hercule. Il est représentatif de l'habileté avec laquelle Delvaux a su jouer entre le classicisme et le baroque, ainsi que de sa capacité à dissocier son modèle de la version antique afin d'en offrir une interprétation originale : notamment dans l'usage de la peau de lion, voilant l'intimité d'Hercule, ou la modification de la position des bras et des jambes afin de créer une composition idéalisée à la fois harmonieuse et moins austère (Jacobs, op. cit., pp. 263-264). Delvaux a dépouillé le sujet de sa raideur antique, régie par les canons de proportions et de style, et parvient à offrir une composition naturelle et vivante qui définira le style de ses dernières années.
La réalisation à Rome de ces sculptures d’après l’antique en terre cuite avait pour but premier, chez Delvaux, de se constituer une réserve de modèles de travail pour la suite de sa carrière dans les Pays-Bas. Il les a conservés dans son atelier jusqu’à la fin de sa vie.
L’Hercule Farnèse ici présent est d’une importance majeure dans l’appréciation de l’œuvre du célèbre sculpteur flamand du XVIIIe siècle. Son apparition sur le marché de l’art est un évènement important pour les collectionneurs, amateurs et historiens d’art. La sculpture était dans la succession de Laurent Delvaux du 2 mars 1778 et a été transmise de génération en génération où elle a demeuré, jusqu’à nos jours.
Nous remercions le Professeur Alain Jacobs pour sa collaboration.
We thank Professor Alain Jacobs for his collaboration.