Commentaire :
A première vue, c'est un simple agencement de fruits divers sur un panneau au format réduit, mais si nous allons plus avant, nous découvrons une œuvre intimiste dans la simplicité de sa composition, pour leur forme.
Celle-ci est aérienne, le cadrage serré et les fruits sont disposés sur une simple table de bois avec de gauche à droite, une prune bleue ouverte, deux pêches, une prune, un abricot, une pêche et une deuxième prune bleue. C'est cette disposition en quinconce qui rythme et équilibre la composition.
Un arrière-plan sombre d'où émerge le feuillage de la branche de pêcher, les fruits et au premier plan la feuille de prune qui déborde sur la tranche de la table. Ce n'est plus une mais trois natures mortes disposées dans des triangles dont un renversé. Il s'agit à notre avis, d'un " aperçu " de ce que l'artiste peint, son répertoire de fruits qu'elle affectionne et sublime. La prune ouverte comme dans cette " nature morte de pêches et prunes dans un panier " vers 1634, collection particulière ; cet abricot que notre artiste pose sur la table est comparable aux " abricots " du musée des Augustins de Toulouse, signée Louyse Moillon et datée 1634 ; les pêches remplies de sensualité et de suavité comme ces pêches issues de la première " Coupe de pêches " connue, signée et datée 1629 collection particulière. Une matière aussi duveteuse que sensuelle le meilleur du talent de l'artiste.
Elle s'intègre et dépasse ces contemporains comme Jacques Linard (1597-1645), Pierre Dupuis (1610-1682). Il faut dire que Louyse Moillon (ci. 1610-1696) a reçu une formation de 1er ordre que ce soit par son père (1555-1619), son frère (1614-1673) tous deux peintres ou son beau-père François Garnier (ci. 1600-1658) spécialiste de la nature morte et qui l'a formé. Il avait d'ailleurs décelé en elle des dispositions particulières dans l'art de la peinture et de la nature morte.
Dans l'inventaire après décès de sa mère survenu le 23 août 1630, à la rubrique 'prisée des tableaux…'……nous trouvons au groupe sept : 'tableaux exécutés par Louyse Moillon et dont le produit de la vente, après déduction des frais, sera partagé entre l'auteur et son beau-père, conformément à un accord passé le 30 juin 1620'. Elle n'avait que dix ans et demi.
Ces fruits reçoivent un éclairage venant de la gauche qui baigne cette nature morte dans une atmosphère quasi mystique.
Un dépouillement total, à l'image de la rigueur protestante mais avec une sensualité maîtrisée tout en réserve. Elle était de religion protestante comme toute sa famille. Longtemps rattachée à l'école hollandaise à cause de la représentation et de la facture des œuvres, elle a puisé son inspiration dans la vie quotidienne et l'observation des œuvres des peintres flamands, français, hollandais, italiens.
Ce n'est plus une offrande dans un panier ou dans une coupe mais des éléments individuels posés tout simplement sur une table de bois.
Il s'agit ici, de l'élégante démonstration de son savoir-faire dès le début de sa carrière.
Tableau exceptionnel même si son format et la représentation du sujet restent atypiques. Il s'agit du seul et unique tableau connu au format réduit exécuté par l'artiste. Nous pensons avoir découvert la " gamme " de son savoir et de son savoir-faire où éclate toute la maîtrise de son art.
L'œuvre figurera au supplément en préparation du Catalogue Raisonné Louyse Moillon (Paris, vers 1610-1696) 'La Nature Morte au Grand Siècle. Catalogue raisonné', Éditions Faton, Saint-Etienne, 2009.
Dr. Dominique ALSINA