Manuscrit arabe sur papier oriental de couleur brune de 288 feuillets, texte non encadré de onze lignes par page, copié dans une calligraphie fusionnant des traits de naskh et de muhaqqaq, traduction interlinéaire persane contemporaine, titres des sourates en thuluth doré délinée de noir prolongés dans la marge par une palmette enluminée, double frontispice enluminé formé de deux grands panneaux dorés renfermant quatre lignes de texte en réserve, les cartouches supérieurs inscrits des titres de la Fatiha et de la Baqara en thuluth argenté sur fond doré à décor de rinceaux de demi-palmettes, le panneau enluminé de la Fatiha collé sur le feuillet de la sourate 54 (al-Qamar), celui de la sourate 2 (al-Baqara) collé sur un feuillet des sourates 82 et 83 (al-Mutaffifun et al-Infitar), rosettes dorées marquant la séparation des versets, médaillons marginaux dorés festonnés de bleu, piriformes pour les groupes de cinq versets, circulaires et inscrits du mot 'ashr pour les groupe de dix, notation marginale en thuluth doré des divisions en juz' et en sept ainsi que des indications de prosternation sajda, chaque titre de sourate indiquant le nombre de versets, suivi en rouge du nombre de mots et de lettres, d'un hadith du Prophète relatif aux bienfaits de la sourate en arabe puis en persan, double finispice enluminé pour les sourates 113 et 114 (al-Falaq et al-Nas) dans des panneaux enluminés semblables à ceux du début, quelques corrections et commentaires marginaux, réclames, deux tampons d'exportation iraniens datés 1309 H/1930-1, multiples foliotations, 102 titres de sourates présents, feuillets reliés dans le désordre, dans une reliure moderne verte.
Dim. : 21 x 13 cm (texte) ; 28,3 x 18 cm (feuillets)
Provenance :
Casper J. N. Deirkauf (m. 1968), antiquaire, Pays-Bas
Par héritage au propriétaire actuel
A Rare and Near Complete Abbassid Qur'an, Iraq or Iran, late 12th or early 13th century
Ce coran est un manuscrit exceptionnel à plus d'un égard. Par le style de ses enluminures, ses caractéristiques codicologiques et sa calligraphie originale, il se rattache au corpus très restreint des manuscrits produits en Iraq et en Iran avant la conquête mongole. Si sa restauration, et en particulier le contrecollage des feuillets initiaux et finaux, nous prive d'indices précieux quant aux circonstances de sa production, sa mise en parallèle avec un coran daté de 587 H/1191, copié par un certain Abu al-Qasim b. Ibrahim Muhammad al-Imami, offre de frappantes similitudes (Tokat Mevlevi Vakif Müzesi, n°7400, publié dans Bayram 2017, " XII. Yüzyila Ait Yazma Kur'an-i Kerim ve Tefsiri ", Turkish Studies, p. 101-112).
Outre leurs ressemblances formelles, les deux manuscrits partagent un appareil paratextuel extrêmement développé qui témoigne de leur usage probable au sein de cercles religieux savants (on retrouve ce genre de dispositif dans un coran daté 582 H/1186, attribué à l'Iraq ou l'Iran, Khalili Collection, QUR 572). Dans notre coran, chaque titre de sourates comprend ainsi le nombre de versets, suivi de la notation en rouge du nombre de mots et de lettres contenus dans la sourate, puis d'un hadith relatif à ses bienfaits en arabe puis en persan, et enfin du lieu de révélation de la sourate. À cet appareil exégétique, s'ajoute la notation au sein du texte coranique, de petites lettres rouges renvoyant chacune aux sept variantes de vocalisation, les qira'at, d'Ibn Mujahid (m. 936). Ces éléments pointent vers un usage savant et pédagogique de notre manuscrit, que l'on peut probablement mettre en lien avec l'essor majeur des madrasas durant le XIIe siècle et les pratiques herméneutiques qui s'y développent. Fait hautement inhabituel, le nombre et la division des versets au sein du manuscrit, correspondent à la lecture de Basra, une caractéristique rare, partagée par un coran datable des années 1175-1225 produit probablement dans le nord-ouest de l'Iran (Khalili Collection, QUR 87, publié dans James, The Master Scribes, vol.II, Oxford, 1992, p.34-39).
La calligraphie du coran enfin témoigne des expérimentations visuelles qui se font jour en Iraq et en Iran durant les XIe et XIIe siècles, en amont de la dernière canonisation des aqlam al-sitta par le grand calligraphe Yaqut al-Musta'simi. La graphie fusionne ainsi, dans un style tout à fait original, des traits de naskh et de muhaqqaq. Les caractéristiques de ce dernier sont particulièrement sensibles dans l'allongement sublinéaire horizontal des queues des lettres, très droites et aplaties dans leur tracé et se finissant fréquemment en pointe oblique. Signe d'une graphie encore très personnelle et non pleinement codifiée, le calligraphe fait usage sur la tête des alif isolés et initiaux d'un serif tourné vers la gauche, un trait calligraphique extrêmement rare.