Commentaire :
Obtenant le prix de Rome en 1749, en tant qu'élève de Carle Van Loo, Louis Lagrenée rejoint l'Académie de France sur le Corso. A son retour à Paris en 1754, il est reçu à l'Académie royale de peinture et de sculpture l'année suivante, et nommé premier peintre de l'Impératrice de Russie de 1760 à 1762. Son succès l'amène à travailler pour de nombreux collectionneurs de premier plan (d'Angiviller, Madame du Barry, Madame Geoffrin, La Live
de Jully). Diderot a encensé l'artiste : " Il a le dessin, la couleur, la chair, l'expression, les plus belles draperies, les plus beaux caractères de tête, tout excepté la verve. Ô le grand peintre, si l'humeur lui vient ! Ses compositions sont simples, ses actions vraies, sa couleur belle et solide ; c'est toujours d'après la nature qu'il travaille. " (Salon de 1765). Nommé directeur de l'Académie de France à Rome de 1781 à 1785, il appartient à la génération qui se donne pour modèles les peintures bolonaises du XVIIe siècle et Nicolas Poussin, annonçant le Néoclassicisme.
Bellone était l'ancienne déesse romaine de la guerre, citée par les poètes comme la sœur de Mars guidant ses chevaux en tant que cocher. Des festivités en son honneur avaient lieu le 3 juin. Les discussions du Sénat sur les guerres à mener avaient lieu dans son temple sur la colline du Capitole. Elle est ici en train de tirer à l'arc sur un char d'or. Les draperies autour de son bras droit ont glissé vers son épaule, donnant du mouvement à la figure. Les roues de son char soulèvent des nuages de poussière. On est au cœur du combat, évoquant les descriptions d'Homère sur la Guerre de Troie. Au premier plan, des corps et des pièces d'armure, casques et boucliers abandonnés, jonchent le sol. Lagrenée avait déjà représenté ce sujet pour un dessus-de-porte exposé au Salon de 1767, conservé aujourd'hui au musée de l'Université de Princeton (fig. 1, M. Sandoz, 'op. cit.', p. 206, n°162). Dans cette relecture du sujet, il adopte une composition en frise, et réinterprète les modèles célèbres de batailles, telles que celles de Constantin contre Maxence par Raphaël et Giulio Romano au Vatican ou les batailles d'Alexandre le Grand par Charles Le Brun (Louvre).
Ce tableau sera inclus dans la monographie sur l'artiste à paraître aux éditions Arthena par Monsieur Joseph Assémat-Tessandier. Il la date vers 1795/1796.