Commentaire :
La présence d'anciens crochets indique à l'évidence que notre panneau constituait le centre d'un petit triptyque portable dont les volets ont disparu.
Comme l'a indiqué E. Garrison1, la forme gâblée assez large de ce type d'objets de dévotion apparaît surtout en Toscane à l'extrême fin du XIIIe et au tout début du XIVe siècle, ce que corrobore la forme de la grande 'Maestà entourée de six anges et des donateurs Paci', conservée à Avignon et sa date de 1310. De cette Maestà découle l'actuel nom de convention de son auteur². Alors que R. Longhi la plaçait en Ombrie, E. Garrison, suivi par D. Shoor, a été le premier à situer l'activité de ce maître à Pistoia, alors centre artistique en marge des influences giottesques de Florence et de Sienne. Cette Maestà constitue le premier élément fondateur du corpus artistique de ce peintre dont P. P. Donati a dressé le catalogue et la " fortune critique " amplifiés par A. De Marchi en 19863.
Parmi les œuvres de cette production, citons entre autres : la 'Maestà' de 1310 (autrefois à Angers, actuellement à Avignon), le polyptyque vers 1315 provenant de San Francesco à Pistoia (Pistoia, Museo Civico) (Donati, fig. 10), les 'Scènes de la vie d'une sainte martyre' vers 1320-1330 (collection particulière)4, et le polyptyque peint à fresque, Pistoia, San Domenico (Donati, fig. 24).
A cette liste il faut désormais ajouter notre panneau publié et attribué par F. Zeri (Bologne, Fototeca Fondazione Zeri, n°6932). La photographie reproduite par cet historien est celle de 1955. A cette époque l'œuvre était en grande partie repeinte alors qu'actuellement elle se présente presque totalement dégagée de ces adjonctions.
A part la couleur bleue des yeux de la Vierge et le dessin des arcades sourcilières, repeints qui semblent n'avoir pas été retirés, nous retrouvons les éléments fondamentaux de la morphologie des personnages de cet artiste : stature corporelle étroite et rigide, expression langoureuse de la Madone, au visage oblong au teint d'albâtre, un long nez dominant une mince bouche ourlée de blanc, un petit menton relevé, des mains aux longs doigts effilés, l'ensemble étant frappé par de légers accents lumineux. L'Enfant au visage rebondi, aux petits yeux, au nez relevé, au large front dégagé par une calvitie précoce trouve son homologue dans ceux de la Maestà de 1310 ou du polyptyque de Pistoia (Donati, figs. 21c, 21a).
Cependant ce maître abandonne ici la rigueur et une certaine sécheresse relevée dans ses premières œuvres. La ligne se fait plus souple dans l'exécution du voile tenu par l'Enfant, dans celui de la Vierge ou dans les motifs ornementaux de l'auréole. Il fait preuve de qualités d'exécution, de finesse décorative, de transparence alliées à celles de coloriste utilisant des tons subtils de vieux rose et de rouge vermillon contrastant avec le bleu intense du manteau ou le blanc des liserés. Tous ces éléments trahissent une sensibilité accrue de l'artiste envers le style gothique et permettent de situer l'exécution de cette œuvre à la fin de la période connue de ce peintre, sans doute vers les années 1320-1325.
1. 'Italian Romanesque Panel Painting', Florence, 1949, p. 78.
2. M. Laclotte, E. Moench, 'Peinture italienne, Musée du Petit Palais, Avignon', Paris, 2005, n° 135, p. 127-128.
3. Cf. respectivement " Per la Pittura pistoiese des Trecento - I, Il maestro del 1310 " in 'Paragone', n°295, 1974, p. 3-26 ; " Il Maestro del 1310 e la fronda antigiottesca, intorno ad un Crocefisso murale ", in 'Prospettiva', 46, 1986, p. 53.
4. G. Freuler, " Manifestatori delle cose miracolose " exposition, Lugano, Fondazione Thyssen Bornemisza, 7 avril-30 juin 1991, cat. 68, p. 184-186, repr.