Commentaire :
Fréquentant à ses débuts l'atelier de Léon Cogniet, le jeune Meissonier préfère cependant se former seul, arpentant les salles du Louvre à la recherche des plus beaux chefs-d'œuvre pour s'adonner à l'exercice de la copie. Il gagne alors sa vie en illustrant des ouvrages et se fait rapidement connaitre par ce biais, son sens de la composition et la préciosité de son trait faisant de lui un illustrateur réputé. Mais notre artiste en herbe a la légitime ambition de devenir peintre et, après un séjour à Rome, il expose pour la première fois au Salon en 1834. Puis il se lance au début des années 1840 dans la production de petites huiles. La particularité de son travail réside alors dans l'attention singulière portée aux détails et à la justesse dans les reconstitutions historiques. Ses inspirations sont puisées dans les siècles passés et fortement documentées. Les personnages de ses scènes de genre revêtent les costumes du XVIIIe siècle, et ses scènes d'intérieurs se tiennent dans des auberges librement inspirées du XVIIe siècle de Teniers, jumelant la sensibilité de l'artiste à la méticulosité de l'historien.
Sa peinture rencontre rapidement un succès phénoménal, et Meissonier, commandeur de la Légion d'Honneur, membre de l'Académie des Beaux-Arts, devient un artiste vénéré de son vivant, un des chefs de file de l'académisme pictural et porte étendard du courant réaliste historiciste, courant majeur de la peinture dans la seconde moitié du XIXe siècle en France.
Les quatre huiles que nous proposons au feu des enchères constituent de touchants témoignages de ce qu'a pu être la peinture de Meissonier. Nous présentons ainsi tout d'abord ces deux charmants petits panneaux. Sur le lot 164, le peintre figure deux cavaliers conversant, vêtus à la mode du XVIIIe siècle, dans ce parfait respect du détail historique si cher à notre artiste. Dans la même veine, cette compagnie de mousquetaires (lot 163), toujours sur petit panneau de bois, constitue elle aussi un brillant exemple de la minutie appliquée par notre artiste dans ces petites huiles qui firent sa renommée. Nous y retrouvons toute l'expression de son talent, particulièrement dans la justesse anatomique des chevaux. Cavalier notoire, Meissonier fut sans doute le plus talentueux peintre de cheval de son temps. Il avait fait installer dans son atelier un petit squelette de cheval qu'il utilisait continuellement, pour ses cires mais également pour capter le parfait mouvement de l'animal et le retranscrire dans ses peintures. L'esquisse que nous présentons (lot 165) en témoigne. La minutie presque névrosée à laquelle se soumettait le peintre le poussait à produire une quantité colossale de travaux préparatoires, ce calque marouflé sur panneau en atteste remarquablement. Finalement, la Rixe (lot 166), version réduite du tableau présenté à l'exposition universelle de 1855 nous offre un aperçu de ce qu'on put être ces scènes de genre, très prisées du vivant de l'artiste, où l'ensemble des détails sont issus d'un XVIIe presque fantasmé, mais où les tensions anatomiques, les expressions et les décors sont si justement rendus qu'ils nous invitent à voyager dans le temps.