Commentaire :
En été 1564, pendant le grand tour de Charles IX, il plut à Catherine de Médicis de visiter l'atelier de Corneille de La Haye qui avait peint dans une " grand'chambre […] tous les grands Seigneurs, Princes, Cavalliers, et grandes Reynes, Princesses, Dames, Filles de la Court de France ". Le duc de Nemours, gouverneur du Lyonnais depuis un an, qui accompagnait la reine mère, devait avoir été heureux d'y trouver également sa propre effigie. En plus du tableau que nous présentons, deux autres versions de ce portrait sont connues : la première conservée à Versailles (inv. 3243, 18 x 15 cm) et la seconde, de meilleure facture, dans une collection particulière britannique (15,20 x 12,70 cm).
Autant que leur état permet d'en juger, aucun de ces tableaux ne semble entièrement autographe. Mais la crispation du trait qu'on y observe s'explique également par la réalisation du portrait à partir d'une autre image, et non uniquement d'après nature. Cette pratique semble relativement courante chez Corneille lorsqu'il s'agit de grands personnages du royaume dont l'iconographie était déjà fixée par le portraitiste officiel des Valois, François Clouet. Ici, l'artiste lyonnais s'inspire du portrait tiré par Clouet vers 1555 et connu d'après des copies dessinées (fig. 1, recueil des Arts-et-Métiers, collections particulières) et une réplique peinte portant la signature de Gerlach Flicke (Newbattle Abbey, Grande Bretagne). Si le vêtement diffère, les contours du visage sont quasi identiques, ce qui par ailleurs confirme l'identité du modèle.
Issu d'une branche cadette des ducs de Savoie alliée aux Valois, Jacques hérite du duché de Nemours à la mort de son père et alors qu'il n'a que deux ans. Il est le neveu de Philiberte de Savoie, duchesse de Nemours (1498-1524), dont le portrait est également visible dans ce catalogue (lot 5). Elevé à la cour de France, il entame une carrière militaire brillante, nommé dès 1558 colonel de la cavalerie légère. Beau, séducteur et aimant le faste, le duc est vite célèbre pour ses déboires amoureux avec Françoise de Rohan qu'il refuse d'épouser malgré une promesse et un fils né de leur liaison. Prétendant sérieux d'Élisabeth d'Angleterre en 1558-1559, Nemours s'unit finalement à Anne d'Este, veuve du duc de Guise. D'une obéissance sans faille à la Couronne, il combat les protestants et reçoit le gouvernement du Lyonnais en 1562 alors que la ville est aux mains des huguenots, mais refuse d'embrasser le parti ultracatholique des Guise. Souffrant de la goutte, le prince se retire à Annecy dès 1571 où il meurt en 1585. Se souvenant de son charme, Madame de La Fayette en fait l'un des personnages principaux de sa Princesse de Clèves.
Nous remercions Madame Alexandra Zvereva de nous avoir aimablement confirmé l'authenticité de ce tableau par un examen de visu, ainsi que pour la rédaction de cette notice.