TRÈS IMPORTANT BROUILLON D’UNE VERSION INÉDITE D’UN
PASSAGE DE TERRE DES HOMMES.
Ce manuscrit constitue la première ébauche d’un texte qui,
retravaillé, a figuré dans l’édition américaine de Terre des hommes
mais pas dans l’édition française, et que Saint Exupéry publia à
part dans l’hebdomadaire illustré Marianne le 16 août 1939. Inséré
dans le recueil posthume Un sens à la vie (1956), il fut ensuite édité
en appendice à Terre des hommes sous le titre « Le Pilote et les
puissances naturelles » (OEuvres complètes, I, Bibliothèque de la
Pléiade, 2009, p. 287-296).
Dans ce texte, dont la version présentée ici est très différente de
celle qui fut publiée, Saint Exupéry livre un récit palpitant du vol
durant lequel il fut pris dans un cyclone au-dessus de la Cordillère
des Andes alors que, à la fin des années 1920, il naviguait en
direction de Comodoro Rivadavia, en Patagonie, pour défricher le
dernier tronçon de la ligne reliant cette ville à Punta Arenas.
« Conrad, s’il raconte un typhon, décrit à peine les vagues
monumentales, les ténèbres et l’ouragan [et l’effroi / l’épouvante
des hommes biffé]. […] Conrad ne nous montre du typhon que le
drame social.
Nous avons tous connu cette impuissance à transmettre nos
témoignages quand, après la tempête, une fois réunis comme
au bercail dans le petit restaurant de Toulouse sous la protection
de la servante, nous renoncions à raconter l’enfer. Notre récit,
nos gestes, notre claire [?] eussent fait sourire les camarades
comme des naïvetés [exagérations biffé] d’enfant. Ce n’est point
par hasard. Le cyclone dont je vais parler est bien l’expérience
la plus saisissante, dans sa brutalité, qu’il m’ait été donné de
subir. Et cependant, passé une certaine mesure, je ne sais plus
traduire la violence des remous sinon en multipliant les superlatifs
qui ne charrient [transmette biffé] plus rien, sinon un goût gênant
d’exagérations.
J’ai compris lentement la raison de cette impuissance : on veut
décrire un drame qui n’a pas existé. Si l’on échoue dans l’évocation
de l’horreur, c’est que l’horreur, on la subit en l’inventant après
coup, [en] trichant sur les souvenirs. Mais l’horreur ne se montre
pas dans le réel. […] »
Quelques taches ; quelques pliures et déchirures marginales ;
manque marginal au premier feuillet