Commentaire :
Fils du célèbre aliéniste Jacques-Joseph Moreau, Georges Moreau de Tours se rêve en peintre. Et après avoir achevé ses études de droit pour satisfaire quelques ambitions paternelles, il embrasse pleinement sa carrière artistique au tournant des années 1870, après la défaite de Sedan. La jeune Troisième République s'avère alors être un commanditaire insatiable et nombre de jeunes artistes académiques trouvent leur compte dans cette boulimie artistique étatique, celle d'un nouveau régime qui cherche à se construire une image et par elle, sa légitimité.
Georges Moreau de Tours se révéla être un talent particulièrement précoce. Il n'a que 16 ans lorsqu'il expose pour la première fois au Salon de 1864. Rejoignant l'Ecole nationale des Beaux-arts en 1870, c'est le réputé Alexandre Cabanel qui va l'instruire et le former à l'aune de l'académisme. Exposant régulièrement au Salon, notre artiste confirme les promesses de sa jeunesse, témoignant parfois d'une touche vive, presque impressionniste, d'une modernité dans ses compositions, et même d'une certaine audace dans le choix de ses sujets, naviguant entre peinture d'histoire et " Morphinées ".
Notre tableau entre dans la catégorie des tableaux de genre du maître. Dans un style caractéristique de son art, embrassant l'académisme cabanelien tout en s'attachant à le prolonger, il rend un ambitieux morceau de peinture, confinant à la scène antique, mais se rapportant plus à un orientalisme de salon, lui qui fut indéniablement marqué par ce courant pictural issu des influences venues d'Afrique du Nord. Une jeune femme tenant nonchalamment une mandoline, laissant son vêtement tomber jusqu'à dévoiler un sein, baisse mélancoliquement les yeux sur l'instrument que ses doigts ne semblent qu'effleurer. Dans cette œuvre, Mandolinata, exposée au Salon de 1887, Moreau de Tours reprend les grands traits d'un sujet régulièrement traité en cette fin de siècle, qu'il tend à sublimer par une justesse dans le rendu des expressions et par une manière libérée, empreinte de cette nouvelle modernité à la prospérité alors grandissante dans les salons parisiens.