Commentaire :
Ce dessin inédit est une étude préliminaire pour le groupe principal de " La chasse à la puce " (fig. 1, The Dayton Art Institute), tableau signé et daté de 1628 (voir J.Richard Judson et R. E.O Ekkart, 'Gerrit van Honthorst', Doornspijln 1999, n° 257, repr. pl. 146). Judson et Ekkart, ne semblent pas sûrs de la date inscrite sur le tableau et supposent une réalisation vers 1622-23.
Notre dessin isole le groupe principal de la jeune femme et de sa servante. On connaît une œuvre d'atelier (original perdu) reprenant le groupe de la femme et de la vieille servante, conservée au musée de Bâle (ibid., p. 199, n°258, pl.147). Un dessin représentant " Une vieille servante éclairant une jeune fille endormie " conservé à Leipzig, a été rapproché de cette composition (ibid., p. 343, n°47, repr. pl. 148).
Les dessins purement caravagesques sont extrêmement rares, puisque la plupart des artistes de ce mouvement, suivant l'exemple de Caravage, s'abstinrent de dessiner. Honthorst, fils d'un dessinateur de cartons de tapisserie et élève à Utrecht d'Abraham Bloemaert, dérogea à cette règle.
Honthorst se rend en Italie vers 1610-1613, alors que Caravage est déjà mort (1610) ; il sera néanmoins grandement influencé par ses œuvres et apprécié de ses proches commanditaires, comme le marquis Giustiniani et le cardinal Scipion Borghese. Surnommé 'Gérard de la nuit' pour son habileté à rendre les éclairages artificiels nocturnes, Honthorst s'acclimate à l'Italie jusqu'en 1620.
Stylistiquement parlant, on peut rapprocher notre dessin de l'étude pour une " Madeleine pénitente " datée vers 1625 (Düsseldorf, Kunstmuseum, op. cit., n° D14, repr.), où l'on retrouve une lumière similaire, particulièrement pour l'ombrage sur le bras. Citons également " l'Amour et Psyché ", vers 1625 (Hanovre, Kestner Museum, op. cit., n° D17, repr.), d'ambiance nocturne assez proche également.
Notre étude se distingue par une liberté d'exécution pleine de vivacité, saisissant le mouvement général de la scène dans un lavis sûr et léger, dont les teintes plus ou moins accentuées rendent les formes par la lumière. Le torse de la jeune femme est crûment exposé à la lumière de la bougie, exprimée en contraste du lavis par une application de gouache blanche.
Le sujet, dont les implications sexuelles sont très nettes dans le tableau de Dayton avec les deux voyeurs dans le fond, fut avant tout un prétexte à montrer le corps féminin ; on y voit toujours aussi une femme aux mœurs légères essayant de se débarrasser d'un parasite assimilé à la saleté. La moralisation de la sexualité passe donc par l'hygiène…
La scène ici représentée, est frappante par la simplicité d'effet et de moyens. Toute l'attention des visages se porte sur le point de jonction des mains, où l'on suppose que la puce vient d'être découverte. L'expression soulagée de l'intéressée et la gaieté de la servante découvrant la minuscule bestiole responsable des démangeaisons forment une scène pleine de drôlerie et de naturel. La servante, dont le profil racorni se détache en ombre chinoise sur l'épaule éclatante de blancheur de sa maîtresse, vient de découvrir la bête et entrouvre la bouche, laissant passer la lumière : " là ! " semble-t-elle s'exclamer.
Le professeur Judson a examiné en 2009 cette œuvre de visu ; il en a confirmé l'authenticité. Judson et Ekkart ont répertorié 58 dessins dans leur ouvrage (1999), conservés dans des musées ou de localisation inconnue. Une quarantaine de feuilles ont été redécouvertes depuis (voir Gert Jan van der Sman, " I disegni di Gerrit van Honthorst ", in cat. exp. Gherardo delle Notti, Florence, 2015, p. 103). Selon le propriétaire actuel, le docteur David Bronze, qui prépare un catalogue raisonné des dessins de l'artiste, a examiné le dessin et ne s'est pas encore prononcé définitivement.