Commentaire :
Ce dessin est selon Ariane James-Sarazin l'œuvre conjointe de Hyacinthe Rigaud et de son atelier. " La physionomie du modèle n'est pas sans rappeler les traits de Gaspard Rigaud, tel que son frère Hyacinthe l'a peint en 1691 (Perpignan, musée d'art Hyacinthe-Rigaud), date qui correspond d'ailleurs à la probable époque d'exécution de notre dessin (vers 1690-1695).
Il est représenté dans une attitude et selon un code vestimentaire tout à fait caractéristiques de Rigaud. Plusieurs éléments permettent d'avancer une datation vers 1690-1695 : la présence d'une colonne baguée, récurrente en ce début de carrière de l'artiste, même si on la retrouve comme une auto-citation dans des œuvres plus tardives ; la perruque relativement basse et arrondie sur le haut de la tête ; le jeu entre un justaucorps de soie à ramages et un manteau uni qui, barrant le corps selon une grande diagonale, le dévoile partiellement, ainsi que la mode du ruban en chaconne passé de part et d'autre du col négligemment ouvert, ces deux éléments se retrouvant chez Rigaud dans nombre de ses portraits de gentilshommes éclairés, férus de belles choses, peints dans la décennie 1690. La pose, corps de léger trois quarts vers la gauche et tête tournée à l'opposé, vers la droite, rappelle par exemple, le portrait de jeune homme, vers 1687-16881 (dont le musée de Besançon conserve une réplique et qui reprend en l'inversant un parti pris général déjà adopté en 1685 pour l'amateur Pierre Vincent Bertin²). On notera en outre que le geste de la main gauche tenant un pan du manteau dans votre dessin s'inscrit dans la filiation de celui du jeune homme de Besançon ou de Bertin, et qu'il servira de référence explicite à Rigaud lorsqu'il aura à peindre, entre autres, en 1707 Jean Léonard Secousse puis en 1724 le financier Antoine Pâris3.
Comme la plupart du temps chez Rigaud, il s'agit d'un dessin très poussé, probable 'ricordo' d'une œuvre peinte. Le carroyage qui a été tracé au-dessus du dessin, donc a posteriori, pourrait avoir servi à faciliter soit la reprise de la composition au bénéfice d'un client postérieur qui aurait souhaité se faire peindre à l'identique, soit la traduction par la gravure. Cependant, on ne connaît aucune gravure en relation avec votre dessin et le caractère un peu lisse, sans grande particularité physionomique, du visage serait de nature à indiquer que cette relative simplicité a été voulue par Rigaud, dans la mesure où la ressemblance comptait moins dans ce type de dessins que le scrupule mis à noter les grandes lignes de la composition et de la vêture.
D'un point de vue formel, je trouve que le traitement de la lumière sur le visage, avec notamment ces segments de blanc sur l'arête du nez, présente à la fois une belle subtilité et de la vigueur, que l'on retrouve dans le rendu des boucles de la perruque, de la main ou encore dans les plis de l'aisselle. Il y a là une douceur et une souplesse propres à la main de Rigaud, qui tranchent le plus souvent avec le caractère plus sec de ses collaborateurs, et notamment, à cette époque, de Charles Viennot. Par contraste, le dessin qui délimite les pans du manteau me paraît plus raide dans sa recherche de géométrie. "
Nous remercions Madame Ariane James-Sarazin de nous avoir aimablement confirmé l'authenticité de ce dessin et pour la rédaction de cette notice.
1. A. James-Sarazin, 'Hyacinthe Rigaud (1659-1743). Le catalogue raisonné', Dijon, 2016, t. II, p. 98, n° *P.275
2. 'Ibid'., p. 40-41, n° P. 92
2. 'Ibid'., p. 343, n° P. 1028 et p. 484, n° P.1413