Commentaire :
Simon Vouet comptait parmi ses amis artistes Pierre Brébiette, dont il avait fait la connaissance en Italie. Ce dernier épousa une des filles de Neufgermain, Louise. Brébiette grava le portrait du poète en pied, publié en 1630 à Paris dans 'Poésies et rencontres du sieur de Neufgermain' (fig. 1)1. Fils d'un clerc du Président de Thou, Louis de Neufgermain était au service de Gaston d'Orléans, frère de Louis XIII. Il fréquentait le salon de Madame de Rambouillet, connu pour avoir inspiré Molière dans Les Précieuses Ridicules. Figure excentrique, il aiguise la plume de Tallemant des Réaux, qui le prend comme cible dans une de ses Historiettes : " Neufgermain est un pauvre here de poete, fort vieux, mais fort droit ; encore bel homme, qui depuis longtemps porte une grande barbasse. Il a toujours l'espée au costé, et il aime fort à faire des armes. Il assassinoit autrefois tout le monde de ses maudits vers, quand M. le Marquis de Rambouillet, car cet homme ne bougeoit pas de chez luy, luy conseilla, pour voir si cela seroit plaisant, de faire des vers qui rimassent sur chaque syllabe du nom de ceux qui il les feroit. (…) Il en fit, et cela a souvent fait rire les gens² ". Neufgermain se fit une spécialité de poèmes dont les deux dernières syllabes composaient le nom du dédicataire. Dans cet exercice de style, Neufgermain se permettait quelques licences, employant des mots latins, des formules enfantines ou des expressions en patois, ce qui lui valut la dénomination ironique de " poète hétéroclite ". Voici l'exemple de quelques vers tirés d'un poème en l'honneur de Gaston d'Orléans : " Sont-ce monts enlevés que j'oi comme un fragas [langage gascon pour dire fracas] / Par la fureur des vents, ou sichet [pour siégeait?] Phaeton, / Avec ses coursiers dépit de ses dégâts, / Plus qu'un aveugle n'est quand il perd son bâton ". Pris au jeu, Gaston d'Orléans répondit à l'éloge liminaire qui lui était adressé sur le même mode : " Bien que je sois un Poëte Neuf,/ Qui ne rima oncques en Ger,/Je veux parler jusqu'à demain,/ Des vertus du grand NEUFGERMAIN ".
Vouet nous le montre fièrement campé dans une cape, coiffé d'une calotte et tenant ses gants dans la main gauche. Assurément le portrait fut fait dans la froidure de l'hiver, comme l'indique la calotte qui abrite son crâne dégarni. Sa barbe de sage et ses longs cheveux frisottants encadrent un visage souriant. Un repentir autour de la calotte forme comme une auréole au-dessus de la tête de cette vénérable et sympathique figure.
Nous remercions Madame Barbara Brejon de Lavergnée de nous avoir aimablement confirmé l'authenticité de ce dessin et pour les informations afférentes. Le dessin sera inclus dans le " Catalogue raisonné de l'œuvre de Simon Vouet " actuellement en préparation, par Arnauld et Barbara Brejon de Lavergnée, Alain Mérot et Véronique Meyer.
1. B. Brejon de Lavergnée, 'op. cit.', 1982, p. 690 et fig. 44
2. Tallemant des Réaux, 'Historiettes', Paris, 1838, vol. II, p. 432-435