Commentaire :
Si nous connaissons davantage l'œuvre du sculpteur animalier Christophe Fratin par sa production de petits bronzes pittoresques et imprégnés des comédies de La Fontaine, ses compositions de grandes dimensions, ambitieuses et rigoureuses, " fantastiques et graves " comme il les décrit, où souffle l'esprit romantique de Géricault sont plus rares et recherchées par les collectionneurs.
L'artiste rencontre le succès dès 1830 et ses premiers pas au Salon. Considéré comme un rival d'Antoine-Louis Barye, encouragé par la critique et ses pairs, soutenu par les grands fondeurs de l'époque, il s'engage dans l'édition à grande échelle de petits bronzes qui font sa renommée internationale et lui offrent l'opportunité d'importants chantiers. C'est ainsi qu'on le retrouve sculptant pour le duc de Luynes au château de Dampierre, dans la cour Visconti du Louvre de Napoléon III, à Potsdam, Londres ou encore Saint-Pétersbourg.
Le célèbre fondeur Eugène Quesnel (1792-1858), grand spécialiste et précurseur de la fonte au sable, s'associe alors avec Fratin pour éditer nombre de ses petits sujets animaliers poétiques et d'une grâce inattendue. C'est dans ce contexte dynamique de réussite que Fratin présente cet important groupe, dans sa version en plâtre, au Salon de 1835. Il est ensuite fondu en bronze par Quesnel pour, selon son ancien propriétaire René Georger, la famille de Rothschild et son château de Ferrières.
Cette impressionnante 'Scène de haras', pièce unique, figurant trois pur-sang engagés dans une lutte fougueuse et tournoyante, d'un romantisme échevelé, est sans conteste une prouesse technique dont Eugène Quesnel est fier au point d'y apposer sa signature dans les mêmes proportions que celle de l'artiste. Outre l'inventivité de la composition et la qualité de la fonte virtuose et nerveuse, c'est sans doute la précision anatomique des chevaux, exaltés par le combat, qui a séduit les illustres propriétaires successifs de ce groupe, tous grands noms du monde hippique depuis la famille de Rothschild à l'actuel propriétaire en passant par l'illustre marchand de chevaux René Georger.
Nous remercions Madame Pauline Prévost-Marcilhacy pour son aide et les précisions apportées au sujet de la provenance de ce groupe.
Pour concevoir cet important groupe de trois chevaux, Fratin s'est certainement inspiré des Duncan's horses du sculpteur anglais John Graham Lough exposés à Londres en 1832 et aujourd'hui conservés au Los Angeles County Museum of Art.
Nous remercions Monsieur Alastair Laing de nous avoir aimablement fait part de ces éléments.