Commentaire :
Si l'artiste excellait dans tous les genres, du paysage au portrait, c'est bien dans ses petites scènes de genre qu'il se distingua de ses contemporains. Ses célèbres kermesses sont remplies de détails anecdotiques tous plus divertissants les uns que les autres et il n'est pas rare d'y distinguer des représentations théâtrales. L'originalité de notre petit panneau aux couleurs raffinées consiste dans le fait d'associer à la fois le théâtre et la médecine. Parodie du chirurgien incompétent et prétentieux, interprété ici par un personnage de la Commedia dell'Arte, notre panneau constituait très probablement le pendant d'une scène similaire1 constituant un parfait vis-à-vis sur les planches d'un théâtre ambulant (fig. 1). Les deux personnages se font face ; derrière notre rideau se cache un jeune homme, derrière le rideau du pendant se cache une jeune femme. Le petit singe de notre tableau relève le côté satirique souhaité par Teniers. Ces tableaux semblent avoir eu un certain succès puisque le pendant du nôtre se retrouve en gravure, accroché dans un cabinet de chirurgien peint par Teniers vers 1670 et qui se trouvait dans la collection du marquis de Bailleul à Paris au XVIIIe siècle2.
Historiquement, l'uroscopie est une pratique médicale consistant en l'examen visuel de l'urine permettant de diagnostiquer les symptômes de maladies. Pratiquée jusqu'à la fin du XVIIe siècle, cette médecine empirique se révèle le précurseur de l'urologie. Bon nombre des hypothèses formulées par les savants antiques sur les capacités de l'uroscopie à établir un diagnostic médical fiable se sont révélées infondées et non scientifiques. Cette science " relative " à l'origine de nombreuses erreurs de diagnostic est également l'objet de tromperies volontaires ou de prédictions de charlatans qui exploitent la crédulité des gens, virant à l'uromanie si ce n'est l'uromancie dès le XIIe siècle. C'est bien de cette dérive dont traite notre tableau peint dans les années 1670. Dans les mêmes années Molière traite de façon satirique l'imposture du corps médical dans son Malade imaginaire, comédie-ballet en trois actes jouée pour la première fois au théâtre du Palais-Royal le 10 février 1673.
L'authenticité de ce tableau a été reconnue par Margret Klinge. La copie d'un avis en date du 29 octobre 1985 sera remise à l"acquéreur.
1. Docteur, Huile sur panneau, 18,5 x 14 cm., signé 'D. TENIERS.F.', collection particulière en 2005, voir Margret Klinge, David Teniers der Jüngere 1610 - 1690. Alltag und Vergnügen in Flandern, Karlsruhe, 2005, p. 316, fig. 105/a
2. ibid. , p. 316-317, n°105, ce tableau est aujourd'hui conservé au Chrysler Museum of Art, Norfolk.