Commentaire :
" Difficile à définir " : ce sont ces termes déjà qui en 1757 s'imposèrent au premier biographe de Louis Cretey1. Né à Lyon en 1635, Cretey est un artiste inclassable en effet, sans maître et sans élève, et qu'une carrière itinérante entre Lyon, Parme et Rome et un style déconcertant empêchent de rattacher à une école déterminée. Louis Cretey donne naissance à une œuvre paradoxalement bien identifiable, aux antipodes des préceptes académiques défendus en son temps par Le Brun puis Mignard.
Nous observons sur ce Baptême du Christ les yeux démesurément exorbités plantés sous un front fuyant, la touche franche et généreuse, la lumière cuivrée du ciel crépusculaire, les fins traits blancs qui ondent les flots du Jourdain… autant de marques de fabrique qui caractérisent la production de cet artiste qui ne signe jamais.
Si les œuvres de Louis Cretey sont aujourd'hui aisément identifiables, tel ne fut pas toujours le cas. Il a fallu la passion de quelques collectionneurs et l'effort avisé de nombreux historiens de l'art et conservateurs pour faire sortir de l'ombre l'artiste fascinant qu'est Cretey ; et ses œuvres qui furent longtemps confondues avec celles de ses contemporains comme Salvator Rosa ou Luca Giordano. Cette gestation connut quelques étapes significatives : l'étude parue dans La Revue de l'Art en 1988² et l'exposition organisée à Lyon en 20103 ; elle se poursuit aujourd'hui encore grâce à la redécouverte des œuvres de l'artiste comme ce Baptême du Christ que nous présentons à la vente.
Ces derniers travaux et trouvailles permettent de mieux apprécier la fortune critique de ce météore de l'art du XVIIe siècle. Les collectionneurs apprécièrent d'emblée son " intelligence dans le clair-obscur et le coloris " et condamnèrent en revanche le " peu de correction du dessin "4. Aujourd'hui c'est précisément l'aspect esquissé, si peu académique et par conséquent incompris par les contemporains de Cretey qui séduit l'amateur de tableaux. C'est ce fa presto qui donne sa force expressive aux personnages comme au paysage: prenons en pour témoin la vigueur de Jean-Baptiste immergeant le Christ qui fait écho à celle des cascades d'eau et de lumière.
La science de la composition qui en revanche permit à Cretey son succès est magnifiquement illustrée par ce Baptême du Christ. Le rôle de la lumière et de la couleur est particulièrement significatif. Non seulement l'ouverture lumineuse du ciel correspond littéralement aux récits des évangélistes, mais l'éclairage des protagonistes et la couleur de leur habit permet de rétablir la hiérarchie entre le Dieu prostré et son serviteur debout. L'utilisation intelligente de la lumière et du coloris, dans une logique non pas seulement décorative mais narrative ; la correspondance intime entre une nature luxuriante et cette scène de régénération spirituelle confirment le traitement virtuose par Cretey des scènes religieuses.
1. Jaques Pernetti, Recherches pour servir à l'histoire de Lyon, Lyon, 1757, t. II, p.132
2. Gilles Chomer, Lucie Galactéros de Boissier, Pierre Rosenberg, " Pierre-Louis Cretey : le plus grand peintre lyonnais de son siècle ? ", in La Revue de l'Art, 1988, n°82, p.19-38
3. Louis Cretey.: Un visionnaire entre Lyon et Rome, Lyon, musée des Beaux-Arts, 2010-2011
4. A. Clapasson. Histoire et description de la ville de Lyon, 1741, ed. 1982, p.113