Commentaire :
Né à Montfort-l'Amaury, Pierre Dupuis se forme très probablement à Paris, où, dans les années 1620, deux écoles s'imposent dans le genre de la nature morte : l'une avec les Flamands Pieter van Boucle et Jean-Michel Picart, l'autre avec Louise Moillon et François Garnier. Il effectue très probablement un voyage en Italie dans les années 1630, qui lui permet de se familiariser avec les œuvres caravagesques et la nature morte italienne si magnifiquement représentée par Agostino Verrochio. Pierre Dupuis condense ces différentes influences dans des compositions parfaitement agencées, mêlant la simplicité à l'effet décoratif le plus efficace. Très estimé de son vivant et prisé des collectionneurs - quatre de ses œuvres sont listées dans les collections du cardinal Benedetto Pamphilij - il est nommé Peintre Ordinaire des Ecuries du Roi en 1646. Il est agréé à l'Académie royale de peinture et de sculpture en 1663, et reçu l'année suivante avec comme morceau de réception une Nature morte à la branche de prunier suspendue à un mur, grenades et vase de lys sur un entablement sculpté (Coatalem, op. cit., 2014, p. 156, repr.). Il expose également au premier Salon de l'Académie, qui se tient dans la cour du Palais-Royal en 1667.
Dans notre tableau, daté de 1665, Pierre Dupuis reprend de manière presque exacte les branches de prunier qui figurent dans son morceau de réception, un an auparavant. Seuls les détails du nœud et d'un rameau de feuillage diffèrent. L'amoncellement de fruits et de légumes, raisins, artichauts, potiron, répond harmonieusement à la verticalité de ces branches, et nous conduit à la table recouverte d'un lourd velours rouge, dont les plis retombent habilement jusqu'au sol. Le panier de fruits, parfaitement équilibré, complète la composition. Cette sophistication dans la construction est une constante dans l'œuvre de Pierre Dupuis et illustre la transition qu'il accomplit entre les peintres de la réalité, tels Pieter van Boucle, dont la sobriété recherchait la fidélité au réel, et un style beaucoup plus décoratif et théâtral, comme celui de Monnoyer. Notre tableau illustre aussi bien la parfaite maîtrise de l'artiste dans le rendu des étoffes et des franges dorées que son remarquable talent à dépeindre les fruits, en particulier les prunes fraîchement cueillies.
L'écureuil décortiquant des noisettes en bas à droite pourrait être compris comme une allusion discrète à Nicolas Fouquet, dont le long procès venait enfin de s'achever par sa condamnation en décembre 1664 au bannissement. A l'instar de La Fontaine qui publiait L'élégie aux nymphes de Vaux, Pierre Dupuis aurait pu signifier ainsi son soutien à l'ancien surintendant qui, malgré sa disgrâce en 1661, gardait de nombreuses amitiés dans le monde des arts.