Ensemble inédit de documentation rassemblée par Paul-André Lemoine (1889 - 1964) sur l'œuvre dessinée d'Edgar Degas (1834 - 1917) pour la période 1860 - 1890.
- 1 038 notices manuscrites de dessins (23 x 16 cm, numérotées 2 263 à 3 592 avec lacunes, dans quatre boîtes d'archives numérotées II - IV et VI) comprenant chacune : une reproduction du dessin étudié (photographie de l'original ou croquis dessiné par Lemoisne lui-même), une description détaillée, des renseignements sur le sujet ou le personnage, les œuvres en rapport, la provenance, les expositions et les références bibliographiques ;
- 41 notices manuscrites de monotypes (9,5 x 14 cm) similaires aux notices de dessins ;
- 292 fiches de propriétaires d'œuvres de Degas (institutions publiques et collectionneurs privés français et étrangers) ;
- 35 contretypes sur plaques de verre (3 de 24 x 18 cm, 22 de 18 x 13 cm et 10 de 11,9 x 8,9 cm) ;
- 26 bobines de négatifs photographiques d'œuvres de Degas (environ 2 500 clichés) ;
- 562 tirages de photographies d'œuvres et d'expositions ;
- 118 reproductions de dessins sur papier cartonné ou marouflé sur carton ;
- 6 catalogues de vente et 3 catalogues d'exposition annotés: Vente de la collection Edgar Degas. Tableaux anciens et modernes (26-27 mars 1918).- Catalogue des eaux-fortes, vernis-mous, aqua-tintes, lithographies et monotypes par E. Degas et provenant de son atelier (22 et 23 novembre 1918 ; deux exemplaires).- Collection de Monsieur X…: tableaux et pastels, dessins et estampes par Degas, tableaux modernes (22 juin 1925).- Succession de M. René de Gas, tableaux, pastels et dessins par Edgar Degas. Aquarelles, dessins, gravures modernes (10 novembre 1927 ; deux exemplaires dont un découpé et lacunaire).- trois catalogues d'exposition (Galerie Georges Petit, avril-mai 1924 ; Copenhague, novembre 1948 ; Berner Kunstmuseum, novembre de 1951).
"Le dessin n'est pas ce que l'on voit mais ce qu'il faut faire voir aux autres", disait souvent Degas. Il sut comprendre, certainement plus que ses contemporains, l'importance du dessin comme vecteur intellectuel des idées plastiques.
Quand Paul-André Lemoisne rencontra Edgar Degas en 1898 chez le collectionneur Louis Rouart à Paris, il était jeune étudiant à l'École nationale de chartes (Jean Adhémar, "Paul-André Lemoisne (1875 - 1964)", Bulletin d'informations de l'A.B.F, 1964, n° 45, p. 175-176). Attaché dès 1901 au Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale de France, il en devint conservateur en 1925 et y resta jusqu'à sa retraite, en 1939. La rencontre avec Degas marqua néanmoins une tournure capitale dans son parcours personnel : il lui dédia en effet les recherches savantes de toute sa vie. Liés d'une féconde affection professionnelle, qui allait s'approfondir au fur et à mesure de nombreuses rencontres dans le salon des Rouart, Lemoisne devint un interlocuteur privilégié de l'artiste et fut un des premiers historiens à s'intéresser de façon scientifique à son œuvre.
Au prix d'un immense travail, Paul-André Lemoisne mena une enquête perspicace sur l'authenticité des dessins - problématique très présente dans ses notes manuscrites. Il se rendit chez les collectionneurs et dans les musées, en France et à l'étranger, afin d'étudier dans le détail les œuvres de ce peintre contemporain à la renommée internationale. Il se vit ainsi ouvrir les portes des plus grandes collections et suivi avec un œil avisé la dispersion des œuvres de l'atelier Degas. Ses annotations sur les catalogues que nous présentons témoignent de l'importance qu'il accordait au devenir de chaque œuvre.
L'aboutissement de ce travail fut la publication, de 1942 à 1949, des 4 premiers tomes du catalogue raisonné de Degas, dédiés aux peintures et aux pastels. Devait suivre, comme Lemoisne l'indiquait lui-même dans l'introduction du deuxième tome, "un autre volume, actuellement en préparation et qui sera, si les circonstances nous le permettent, consacré aux dessins à la pointe d'argent, à la sanguine, à la pierre noire, à la mine de plomb, au fusain, à l'encre, dessins parfois rehaussés de blanc et même légèrement de pastel" qui ne fut pas publié.
Cette documentation, consacrée aux années 1860 - 1890, témoigne de la période d'apprentissage du peintre, très dense et encore mal connue, pendant laquelle le dessin prit une place de toute première importance. Après son séjour de trois ans en Italie, Degas se voua à un travail intense sur le dessin, à la recherche d'un savoir-faire inspiré des maîtres - Delacroix, Ingres, Puvis de Chavannes - et, à l'inverse de ses collègues du Café Gerbois, fonda son identité artistique sur l'unité indépendante du dessin comme le montrent les nombreuses études, esquisses et croquis de portraits, scènes d'histoire et de genre répertoriés par Lemoisne, ébauches d'œuvres demeurées inachevées et pour la plupart inconnues. Mais les thématiques qui ont fait de son vivant la renommée du peintre sont elles-aussi étudiées par Lemoisne : scènes de danse, courses de chevaux, scènes de la vie moderne. Quant au nu, cultivé intensément et d'après le motif dans l'intimité de son atelier, et au paysage, dont les exemples se font fort rares, ils constituent un des grands apports de la documentation que nous présentons.
Cet ensemble permet enfin d'aborder la peu connue passion de Degas pour la photographie: il regroupe en effet 35 contretypes sur plaques de verre vraisemblablement réalisés par Lemoisne d'après des photographies et dessins originaux de Degas. Certaines photographies ont été prises à l'été 1895 au château de Dampierre, chez les Valpinçon. Il s'agit très probablement de la plus ancienne documentation consacrée à cette passion éphémère et tardive du peintre (le premier article sur ce sujet ne fut publié qu'un an avant la mort de Lemoisne : Beaumont New Hall, "Degas, photographe amateur", Gazette des Beaux-arts, janvier 1963, n° 61, p. 61-64). Le catalogue photographique officiel de Degas (Edgar Degas photographer, New York, 1998) comprend aujourd'hui une quarantaine de clichés dont un seul, classé parmi les œuvres attribuées, est reproduit dans la documentation de Paul-André Lemoisne, les autres étant vraisemblablement demeurés inconnus.
Cette documentation complète le fond Paul-André Lemoisne conservé à l'Institut national d'histoire de l'art.