2 p. in-folio. 36 vers en 9 quatrains. Vers début 1922. Encre noire, signée Max Jacob, Saint Benoît sur Loire.
Max Jacob arrive à Saint Benoît en juin 1921, il n'a prévenu personne de son départ, pas même ses amis parisiens. Il veut du calme, prier et pouvoir écrire dans la paix. Il va se mêler à la vie du village et aux paroissiens. Il écrit ce poème à louange de la Vierge de marbre de St Benoît sur Loire, (qui date du XIVeme. siècle), au début 1922, Lucien Vogel devant le publier dans sa revue de luxe " Les Feuillets d'Arts ". Son correspondant et intermédiaire est Marcel Astruc.
Il envoie le poème mis au propre en vue de la publication. Comme il le dit à M. Astruc, dans la lettre jointe : " Envoyez-moi des épreuves toujours, cher monsieur si vous voulez que je vous envoie la copie. Ces diables d'imprimeurs me font pleurer des larmes de sang ".
Joint: Une photographie légendée par Max Jacob ; 2 lettres autographes à Marcel Astruc, pour l'envoi du poème à la revue Les Feuillets d'Art. Datées 11 et 25 mars 1922.
" Hiver des fleuves lents allés
D'une rive à l'autre incertaine !
Terre aux jardins n'a plus de veine
Dure et sans buis prés des allées.
Sourde ta voix appelle en plaine
Le passeur de Loire étalée
-grasses langues de vivre vaines
Quand sable et saules ont l'onglée.
Passeur d'Achéron ! Ta pirogue
Ou est-elle, passeur des morts ?
Et ta houlette quand tu vogue
Dont s'éveille le flot qui dort ?
Qu'importe le grand train du fleuve
Vague en bosse, en lacis gourmand
Passeur ! Que la terre soit veuve
De ce qui n'est coudre ou sarment
Passe-moi, passeur ! Ma promise m
mignonne Vierge à Saint Benoît
m'attend dans ce coin de l'église
Et de l'Enfant Dieu qui met un doigt
Au bec de l'oiseau qu'il desserre !
Chétif, mon luth ne peut chanter
Le docte regard de la pierre
Dont, humble, est, le mien aimanté,
-Si bien qu'il n'est femme de chair
Prés du marbre dont je suis dupe
Point d'enfants qui ne me restent chers
De maison qui me préoccupent-
Suffit d'aimer ! Qu'un autre écrive
Si c'est Mommol, Charle, Alcuin
Ou quel sculpteur te fit captive
Pour l'éternité dans ce coin !
Souffle, Boré ! Pousse motus,
Le passeur des ondes mauvaises !
Qui sentirait gel ou mésaise
Sur le flot qui mène à Jésus ? "