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Lucas GASSEL (1500-1568)
Scènes de l'histoire de David et Bethsabée dans les jardins d'un palais Renaissance
Estimation :
40 000 € - 60 000 €
Vendu:
133 500 €

Détails du lot

Scènes de l'histoire de David et Bethsabée dans les jardins d'un palais Renaissance
Huile sur panneau de chêne, deux planches

(Restaurations)

'SCENES OF THE HISTORY OF DAVID AND BATHSHEBA', OIL ON OAK PANEL, BY L. GASSEL

Commentaire :
Notre tableau nous plonge dans un univers qui nous fera vite oublier l'histoire de David et Bethsabée. Si l'artiste s'est attaché à représenter le roi d'Israël à la fenêtre en haut à droite, regardant vers la jeune Bethsabée prenant son bain dévêtue en bas à gauche, c'est bien évidemment pour inviter notre regard à embrasser l'ensemble de la composition. De cette histoire tragique nous retiendrons que David envoie Urie, le mari de Bethsabée, à la guerre en décidant de le placer en première ligne des combats. La scène est représentée en bas à droite de notre tableau, le roi lui tend sa lettre de mission. L'époux quelque peu gênant ne reviendra bien sûr pas vivant et David pourra épouser Bethsabée.

Bien plus qu'un jet rapide en diagonal pour lire la scène, notre œil se perdra dans les multiples scènes et les détails lointains. La scène de l'Ancien Testament représentée n'est qu'un prétexte. Plonger l'observateur dans l'univers raffiné des cours du XVIe siècle est le véritable sens de notre panneau.
Allusion au palais et aux jardins du Coudenberg, situés au cœur du quartier de la cour de Bruxelles, et restés célèbres par de nombreuses vues gravées et peintes, notre tableau est un véritable recueil des divertissements en vogue au XVIe siècle. Ces jardins ne sont pas sans rappeler ceux de l'abbaye de Thélème que Rabelais décrit dans Gargantua, justement paru en 1534, quelques années avant la réalisation probable de notre tableau. L'écrivain décrit en effet l'abbaye qu'il fait bâtir " au contraire de toutes les autres ", des constructions splendides et richement décorées, disposant de tous les luxes du confort et du raffinement de l'époque, accueillant les jeunes garçons en même temps que les jeunes filles. Tout à Thélème s'oppose à l'ascétisme qu'on associe d'ordinaire à la vie monacale : la règle morale de l'abbaye est " Fais ce que voudras ".
En humaniste de son temps, Rabelais établit qu'une société sans contrainte et sans conflits est possible dès lors qu'on laisse s'exprimer la nature foncièrement bonne de l'humain. Les résidents de Thélème ont par nature le sens de l'honneur et de la responsabilité, " parce que les gens libres, bien nés, bien éduqués, vivant en bonne société, ont naturellement un instinct, un aiguillon qu'ils appellent honneur qui les pousse toujours à agir vertueusement et les éloigne du vice " (Gargantua, chapitre 57).

Placer l'histoire de David dans un cadre aussi enchanteur aide sans doute à oublier la perfide démarche du roi pour obtenir l'amour de la belle Bethsabée. L'histoire ancienne assume nombre de contradictions car l'image du roi David ne restera-t-elle pas celle du vainqueur de Goliath, de son triomphe en entrant à Jérusalem et celle d'un grand roi de justice ? Les personnalités contemporaines de l'artiste, de l'Empereur Charles Quint à François Ier en passant par Henry VIII n'étaient-elles pas aussi complexes et pleines de contradictions ?
C'est justement à ce dernier que nous pensons en suivant la partie de tennis qui est en train de se dérouler sur notre tableau au premier-plan en contrebas de la terrasse du palais. Si le terrain de tennis construit au palais de Hampton Court au bord de la Tamise entre 1526 et 1539 est encore visible aujourd'hui, il s'agit bien du seul témoignage architectural de ce sport à la mode à partir du XVIe siècle.
Qu'il s'agisse du jeu de boule à l'anneau en bas à gauche, du tir à l'arc sous des futaies de jeunes arbres, de la scène de chasse à courre au-delà du mur d'enceinte, nous retiendrons parmi tous ces divertissements le labyrinthe. Jusqu'à la Renaissance, les labyrinthes de déambulation étaient un objet de spiritualité et ne se trouvaient que dans les édifices religieux. Ce n'est qu'à partir du XVIe siècle que des méandres de bosquets se répandent dans de nombreux jardins d'Europe, apportant au labyrinthe une dimension profane : le plaisir de se perdre.

Lucas Gassel est une personnalité peu connue. Né en Barbant et formé à Anvers, il exerce son métier de peintre à Bruxelles où il développe sous l'influence d'une des cours les plus raffinées d'Europe sa vision d'un monde infini en s'attachant à représenter des paysages dans lesquels le regard se perd au-delà des mers. Il s'inscrit en cela dans la suite de Joachim Patinir et de Met de Bles dont nous retrouvons les influences dans notre tableau.
Lucas Gassel semble avoir eu des connaissances complètes en de nombreux domaines, tels que la géographie, la botanique, l'architecture. Il n'est pas exclu qu'il soit allé parfaire son éducation en Italie, notamment à Venise où il aurait séjourné.
Plusieurs versions avec variantes de notre composition sont connues, elles reprennent la même construction architecturale et cette ouverture du paysage qui nous emmène vers un univers de douceur.

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