Commentaire :
Architecte de talent, Pierre-François-Léonard Fontaine a marqué l'esprit de son siècle d'une empreinte indélébile. Présenté traditionnellement comme le premier architecte de l'Empire, il a su évoluer sans écueil au service des différents régimes de son temps, des premières heures de la Révolution jusqu'à la chute du roi Louis-Philippe. Cet homme d'influence à la carrière d'une longévité exceptionnelle a ainsi pu modeler Paris en dirigeant tous les grands chantiers de la première moitié du XIXe siècle.
Son nom est indissociable de celui de son ami et complice Charles Percier (1764-1838) avec qui il séjourne d'abord à Rome avant de partager l'exercice de leur métier au sein d'une même agence. Leurs pratiques se mêlent et se complètent ; Fontaine saisit du premier coup l'ensemble de l'ouvrage et Percier brille dans le souci de la perfection et de tous les détails d'ornementation.
Fontaine démontre dans les dessins que nous présentons son habileté à adapter l'idéal antique aux besoins de la société moderne. Parmi ses plus grands chantiers et aménagements figurent la Malmaison, le château de Fontainebleau, le Palais de Saint-Cloud, les Tuileries, l'Arc du Carrousel du Louvre, la restauration de Versailles et les décors des principaux événements officiels.
Son Journal, tenu à partir de 1799, permet de comprendre la destination d'un grand nombre de ses dessins, croquis, aquarelles, qui ont été directement transmis à sa descendance. La succession de l'architecte ne fut pas chose facile puisque l'architecte avait fait de sa fille naturelle, Aimée-Sophie Dupuis, épouse de son élève l'architecte Symphorien-Louis Meunié, sa légataire universelle. Comme l'explique Michèle Heng dans un récent article (1), Fontaine était à sa mort particulièrement fortuné et son testament a donné lieu à un procès en nullité. Une transaction lors de la liquidation de la succession déposséda Aimée-Sophie Meunié d'une importante partie du legs mais les portefeuilles de dessins et aquarelles restèrent en sa possession. Sa fille, Félicie Meunié d'Hostel, aïeule des propriétaires actuels des œuvres que nous présentons, hérita d'une grande partie de cet ensemble et apposa notamment son ex-libris sur le recueil de vues du Palais-Royal (lot 29).
Fontaine s'intéresse aux décors intérieurs et à l'ameublement des édifices. Fort de s'être constitué un répertoire de motifs décoratifs inspirés de l'Antique, il contribue à une mutation du goût dans les arts décoratifs.
De retour de leur séjour d'étude à Rome, Percier et Fontaine sont nommés directeurs des décors du théâtre de l'Opéra en 1792. Ce nouveau statut permettra à Fontaine d'associer ses talents de dessinateur à son goût pour la musique mais contrairement à son associé, républicain convaincu, Fontaine ne réalisera de grands décors faisant l'apologie des idéaux révolutionnaires les plus extrêmes qu'à contrecœur et quitta Paris pour Londres en attendant le retour d'heures plus calmes.
En 1799, lorsque le compositeur André Grétry achève son œuvre intitulée 'Elisca ou l'Amour maternel', l'on découvre l'incroyable atmosphère créée par Percier et Fontaine pour habiller ce drame lyrique. Les archives de l'Opéra-comique de Paris rendent compte à plusieurs reprises de l'implication de ces derniers dans les décors de cette pièce. Nous ne savons si notre projet de kiosque vit le jour mais l'incroyable et séduisante fraicheur de cette aquarelle particulièrement achevée nous plonge dans l'univers raffiné d'une capitale apaisée en ce tournant de siècle.
1. Michèle Heng, " Un fond inédit d'œuvres, archives et collections provenant de l'architecte Pierre-François-Léonard Fontaine (1762-1853) ", in Bulletin de la Société de l'Histoire de l'Art français, 2011 (2014), p. 63 à 94.