Espagne, Catalogne (Barcelone ?), vers 1350-1370. Manuscrit en latin, sur vélin. 20 feuillets (250 x 352 mm.) reliés au XIXe siècle en demi-cuir de Russie à grain long, dos lisse avec filets dorés.
20 feuillets extraits d'un manuscrit démembré, écriture gothique liturgique à l'encre brune, rubriques en rouge, musique notée carrée sur des portées à 4 lignes tracées à l'encre rouge, pied-de-mouches en bleu, petites initiales rouge ou bleues avec décor filigrané bleu ou rouge, grandes initiales peintes en bleu ou rouge avec décor filigrané rouge ou bleu.
Les feuillets sont ornés de 22 miniatures (bleu, vermillon, vert pâle, rose lie de vin, orangé, blanc) sur des fonds quadrillés ornementaux, encadrées par un liséré à l'or bruni, prolongement de décor dans les marges.
BEL ENSEMBLE COHERENT DE MINIATURES A VERSER PARMI LES PRODUCTIONS CATALANES DE LA SECONDE MOITIE DU XIVe SIECLE.
Le style est à rapprocher de celui de l'artiste qui a peint dans les ateliers royaux de Barcelone , les Ordinacions fetes per lo senyor en Pere terz d'Arago [Ordonnances de Pierre IV d'Aragon dit le Cérémonieux] (Paris, BnF, espagnol 99) datées vers 1370. Le tout est encore sous l'influence des enluminures attribuées au maître de San Marcos et son atelier, actif à Barcelone de 1350 à 1370.
Ces miniatures, empreintes d'un italianisme évident, illustraient un luxueux Pontifical qui fut certainement réalisé par un prélat ou une cathédrale importante.
Les feuillets proviennent en effet d'un Pontifical, le livre liturgique qui contient les formules et les cérémonies des fonctions normalement réservées à l'évêque. Il définit l'ensemble des rites qui au Moyen Age et au-delà, étaient prodiguées par l'évêque ou le pape. Ces feuillets traitent du " Rituel des sept degrés...de la manière de faire un clerc. "
Les 22 peintures illustrent certains rites d'ordination suivant la liturgie prescrite dans le Pontifical, avec entre autres, la tonsure du clerc (d'autres ordinands attendent leur tour derrière le premier clerc) (fol. XXXIII verso); l'ordination de l'office de portier qui reçoit les clés de l'église et les cordes des cloches (fol. XXXVI et fol. XXXVI verso); le rituel de l'ordination du lecteur, recevant le livre des lectures (lectionnaire) (fol. XXXVIII verso); l'ordination de l'office d'acolyte (fol. XLI); l'ordination des sous-diacres, des diacres et des prêtres (fol. L, LXIII) etc.
La mise-en-page de ce Pontifical est d'une grande originalité, avec des miniatures qui occupent la largeur de la colonne de texte, trahissant sans doute l'influence de la mise-en-page pratiquée dans les manuscrits juridiques bolognais.
On peut rapprocher les présentes enluminures des réalisations attribuées à des artistes et ateliers catalans du XIVe siècle. L'aspect " italien " qui frappe de prime abord s'explique par le fait que la Catalogne a emprunté de nombreux traits au répertoire stylistique italien au XIVe siècle et fut une des régions les plus réceptives au style italien. Les liens avec la cour pontificale d'Avignon, où œuvraient des artistes catalans, sont aussi à prendre en compte. Le style est aussi à rapprocher du Pontifical de Pierre de La Jugie, archevêque de Narbonne, datable de 1350, influencé par le maître de San Marcos, présentant quelques affinités avec les présentes enluminures, et qui fut peint par plusieurs artistes, dont un artiste catalan, responsable d'une trentaine de feuillets (Bohigas, II, 1965, pp. 144-146; Exposition Toulouse, 2013, no. 9, pp. 57-60).
Provenance :
Inscription au feuillet XXXIII : M. Puiggari ancien procureur du roy a Perpignan, province de Roussillon. Il doit s'agit du Puiggari, avocat membre honoraire de la " Société d'agriculture, arts et commerce des Pyrénées orientales " (depuis 1779). On connaît un Pierre Puiggari (1768-1854), bénédictin d'une vaste érudition, archéologue et épigraphe, auteur du Catalogue bioraphique des éveques d'Elne (1842) (voir Capeille, Dictionnaire de biographies roussillonnaises (1914)). Son neveu le Colonel Antoine Puiggari (1815-1890) était aussi érudit : " Tout le long du jour, il travaillait pour apprendre, non pour imprimer, se contentant d'accumuler les notes et les ouvrages, les plans et les admirables reproductions de manuscrits ou d'estampes, dans sa belle bibliothèque de la rue Saint-Christophe " (Capeille).
Bibliographie :
Avril, F. et alia. Manuscrits enluminés de la péninsule Ibérique, Paris, Bibliothèque nationale, 1982, pp. 95-96.- Bohigas, P. La ilustracion y la decoracion del libro manuscrito en Cataluna. Periodo gotico y renacimiento, Barcelona, 1965.- Meiss, M. "Italian Style in Catalonia and a Fourteenth Century Catalan Workshop" Journal of the Walters Art Gallery, IV, 1941, pp. 45-87 : "The French relation to Italian painting may be described as selective assimilation, the Catalan, on the other hand, almost as imitation" (p. 50).- [Toulouse] Trésors enluminés : de Toulouse à Sumatra [Exposition, Toulouse, Musée des Augustins, 16 novembre 2013-16 février 2014], Toulouse, Musée des Augustins, 2013.