Paris, Gallimard, 1930, in-4°, maroquin bicolore, vert olive sur le premier plat et marron sur le second, réuni sur le milieu vertical du dos, orné sur chaque plat d'un décor " par la lettre " entremêlant les noms de l'auteur, en grandes lettres, et de l'illustrateur, en lettres plus petites, mosaïqués respectivement de même peau marron et vert bouteille, et venant encadrer le titre de l'ouvrage écrit au centre sur 3 lignes en lettres mosaïquées de veau gris beige, le décor du plat inférieur est identique avec permutation des couleurs, excepté pour le titre qui reste de couleur crème, dos lisse, doublure et gardes de daim gris serties alternativement de maroquin havane et vert émeraude, tranches dorées sur témoins, couverture et dos, chemise et étui bordés de maroquin havane (Paul Bonet - 1949).
Première édition illustrée.
Une œuvre placée par Guillaume Apollinaire (1880-1918) au sommet de toute sa production.
Suite poétique d'Alcools (1913), le recueil Calligrammes, publié en 1918, contient ses plus beaux poèmes. Écrits entre 1912 et 1917, ils constituent l'apogée du style apollinarien.
Agencés par ordre plus ou moins chronologique, les textes se répartissent en 6 groupes : Ondes, Étendards, Case d'Armons (qui fit l'objet d'un tiré à part de 25 exemplaires), Lueurs de tirs, Obus couleur de Lune et La Tête étoilée.
L'ensemble des poèmes s'accompagne d'idéogrammes, qualifiés de "?calligrammes?" par le poète. Ceux-ci sont des combinaisons d'écriture et de dessin imaginées par Apollinaire afin d'" ajouter de nouveaux domaines aux arts et aux lettres en général ". Ce faisant, il souhaita rivaliser avec les artistes, ainsi que l'atteste un opuscule de 1914 - qui ne put voir le jour - Et moi aussi je suis peintre, dans lequel étaient rassemblés ses premiers textes calligrammatiques. En frontispice de cet opuscule, aurait dû figurer, gravé sur bois par Pierre Roy, son portrait peint la même année par De Chirico. Ce portrait devait se révéler prémonitoire : l'artiste ayant dessiné un demi-cercle blanc au-dessus de l'œil gauche du poète, endroit précis où celui-ci recevra un éclat d'obus quelques années plus tard.
Apollinaire, le défenseur le plus ardent de Giorgio de Chirico (1888-1978).
Auteur de nombreux articles élogieux à son sujet et particulièrement sensible à son esthétisme, où " l'étrangeté des énigmes plastiques [...] échappe encore au plus grand nombre ", il considérait Giorgio de Chirico comme l'un des peintres les plus remarquables de sa génération. Ainsi, les deux hommes entretinrent une étroite relation d'amitié jusqu'à la mort prématurée du poète. Apollinaire possédait trois toiles de l'artiste et lui dédia un poème, " Océan de terre ", publié dans Calligrammes.
68 lithographies originales en noir de Giorgio de Chirico, dont deux répétées.
Réalisé en 1929, ce cycle iconographique s'inscrit dans sa période dite métaphysique et propose une imagerie nouvelle qui enrichira l'art des surréalistes. Donnant aux illustrations une impression d'apaisement, cette orientation esthétique contraste avec les poèmes qui expriment par moment les douloureuses expériences de la guerre, contribuant à faire de cet ouvrage un exemple réussi de dialogue entre la poésie et la peinture.
Sur l'exemplaire de René Gaffé, le peintre a expliqué : " ... J'ai suivi un souvenir qui me conduisait aux années 1913 et 1914 ; je venais de connaître Apollinaire. Je lisais ses poèmes où il est souvent question d'étoiles, de lunes… en même temps, je pensais à l'Italie et à ses villes et à ses ruines ; étoiles et soleils émigrés sur la terre ; éteints dans le ciel, rallumés dans les maisons ; ruines et portiques… voici la source de mon inspiration. "
L'un des 88 exemplaires sur papier de Chine, signé par l'artiste.
Paul Bonet et Guillaume Apollinaire, deux noms indissociables.
Le relieur organisa son travail selon des séries. Calligrammes, la première de ces grandes familles, marque par son utilisation de la lettre une date importante dans l'histoire de la reliure. Apollinaire est l'écrivain dont Paul Bonet a le plus relié de livres.
S'inspirant des inscriptions romaines et, semble-t-il, de l'alphabet dessiné par Geoffroy Tory (1480-1533) dans son Champfleury, Bonet réalise ici un décor classique dans une séduisante harmonie chromatique.
Édition limitée à 100 exemplaires.
Dimensions : 323 x 245 mm.
Bibliographie :
Apollinaire (G.), Œuvres poétiques, NRF,
La Pléiade, pp. 1074-1078, 1192-1193 (" Cette édition "monumentale"... ") ; Rauch (N.),
Les Peintres et le livre, 1867-1957, Genève,
1957, pp. 176-177, n° 159 ; […], From Manet to Hockney, Victoria & Albert Museum, 1985,
pp. 216-217, n° 84 ; Castelman (R.), A Century of Artists Books, New York, MoMA, 1994, p. 180 ; Peyré (Y.), Peinture et poésie, Gallimard, 2001, p. 128-131 et 234, n° 31 ; Laffont - Bompiani,
Le Nouveau Dictionnaire des œuvres, I, Laffont, 1994, pp. 117 et 817 (" La nouveauté formelle de Calligrammes est encore supérieure à celle d'Alcools. ") ; Hartwig (J.), Apollinaire, 1972, p. 88, p. 164, pp. 271-272 ; Décaudin (M.), Guillaume Apollinaire, 1986, p. 69 ; Flynn Johnson (R.), Artist's Books in the Modern Era, 1870-2000, London, Thames & Hudson, 2001,
p. 180, n° 105 ; Biro (A.), Dictionnaire général des surréalistes, 1982, p. 120 ; […], Apollinaire, Bibliothèque nationale, 1969,
pp. 114-115, p. 155 ; Bonet (P.), Carnets, 1924-1971, n° 862 et pl. 188 (" 22e reliure de cet ouvrage. Un de mes Calligrammes classiques - très inscriptions romaines ",
avec reproduction) ; […], Bibliothèque Denise Weil-Scheler, 31 mai 1989, n° 13 (pour un exemplaire du Champfleury de Tory (1529)
dans une reliure de Paul Bonet datée 1961, dont le décor par la lettre est établi selon " l'admirable [caractère] de Tory ",
avec reproduction).