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Henri LEHMANN (1814-1882)
Le Lai d'Aristote
Estimation :
45 000 € - 60 000 €
Vendu:
125 800 €

Détails du lot

Le Lai d'Aristote
Huile sur toile (Toile d'origine)

Signée et datée 'henri Lehmann invt et pinxt: / Paris : 1848.' en bas à gauche
Toile de la maison Deforge

'ARISOTLE'S LAY', OIL ON CANVAS, SIGNED AND DATED, BY H. LEHMANN

Provenance :

Mentionné à plusieurs reprises dans le livre de raison du peintre : en février 1847, dans la colonne 'Idées' fol. 21 "Alexandre et Aristote" ; le même mois dans la colonne 'Esquisses' ; en juillet 1847, nouvelle esquisse ; en novembre 1847 "Alexandre commencé sur la toile" ; en mars 1848, fol. 22 : "Alexandre" ; en juin 1848 : "Alexandre et Aristote" ; en octobre 1848 : "Terminé Alexandre. Pour lord Seymour, 5 000 F" ;
Ancienne collection lord Henry Seymour, Paris ;
Mentionné dans son inventaire après-décès sous le numéro 873 (sous le titre "Ovide") ;
Sa vente après-décès, Paris, Hôtel Drouot, 13-14 février 1860, n° 109 (810 francs) ;
Collection particulière, Paris

Expositions :

Exposition universelle, Paris, 1855, n°3556

Bibliographie :

S., "Lettres sur l'Exposition universelle des Beaux-Arts à Paris", in 'Revue universelle des Arts', Paris-Bruxelles, vol. 1, 1855, p. 371
Théophile Gautier, 'Les Beaux-Arts en Europe', Paris, 1855, p. 316-317
Tisseron et Charles Laurent, "M. Henri Lehmann. Peintre d'histoire et de portraits (...)", in 'Annales historiques et biographiques, 1864
Victor Frond, "Lehmann", in 'Panthéon des illustrations françaises au XIXe siècle', Paris, 1865, n.p., n°20
Auguste Baluffe, "Henri Lehmann. 1814-1882", in 'L'Artiste', t. 115, 1882, p. 566-580
'Henri Lehmann 1814-1882. Quelques aspects du grand dessinateur', cat. exp., Paris, Galerie Gaubert, 1978, mentionné dans la notice du n° 10
Jacques Foucart et Louis-Antoine Prat, "Quelques oeuvres inédires d'Henri Lehmann (1814-1882) au Louvre et au musée d'Orsay", in 'La Revue du Louvre et des Musées de France', 1983-1, p.18
Marie-Madeleine Aubrun, 'Henri Lehmann 1814-1882. Catalogue raisonné de l'oeuvre', Paris, 1984, p. 115, n° 297
Hervé Robert et Béatrice Tupinier-Barrillon, "Une grande collection au temps du Romantisme : la galerie Seymour", in 'Gazette des Beaux-Arts', t. CXXXIII, janvier 1999, p. 31-32 et p. 48-49, n° 99
'Les élèves d'Ingres', cat. exp. Montauban-Besançon, 1999-2000, p. 136



Commentaire :
Lithographié par Auguste-Charles Lemoine en 1848

Fabliau du XIIIe siècle attribué à Henri d'Andelys ou Henri de Valenciennes, 'Le Lai d'Aristote' relate une savoureuse anecdote moralisatrice de l'histoire d'Alexandre, inspirée d'un conte arabe intitulé 'Le Vizir scellé et bridé'. Théophile Gautier nous en donne le contenu :
" Alexandre, épris d'une jeune et belle Indienne, semblait avoir perdu le goût des conquêtes ; délaissée après les remontrances d'Aristote, l'enchanteresse, pour se venger, rendit le philosophe amoureux à son tour, et obtint de lui, pour preuve d'amour, la satisfaction d'un caprice. Elle voulut chevaucher le dos du philosophe, et, en cette posture, elle le conduisit vers Alexandre caché sous un berceau. Aristote, confus, raillé par le monarque, répond en se redressant : "Que l'état où vous me voyez serve à vous mettre en garde contre l'amour ; de quels dangers ne menace-t-il pas votre jeunesse, lorsqu'il a pu réduire un vieillard si renommé par sa sagesse à un tel excès de folie !" (1).

Par cette composition pour le moins surprenante, Henri Lehmann renoue avec un sujet devenu rare au XIXe siècle mais qui avait été fort apprécié du XIVe au XVIe siècle. Les représentations de la jeune séductrice, alors nommée Phyllis, se promenant sur le dos du vénérable précepteur d'Alexandre furent particulièrement nombreuses chez les artistes nordiques de la Renaissance, tels que Lucas Cranach, Lucas de Leyde ou encore Hans Baldung Grien qui en réalisa une version plus licencieuse que ses contemporains en dénudant les deux protagonistes (fig. 1).
C'est une version plus sage que le burin de 1513 que peint Henri Lehmann entre 1847 et 1848 pour lord Henry Seymour. Ce dandy parisien, né d'une liaison adultérine entre lady Yarmouth et Casimir de Montrond, est resté célèbre pour ses excentricités qui lui valurent le surnom de " Milord Arsouille " et pour son goût immodéré pour les courses. L'amateur d'art est souvent oublié alors que sa collection, rassemblée dans son appartement de la rue Taitbout, était l'une des plus réputées de son temps. La dispersion de celle-ci après son décès rassembla en décembre 1860 à l'hôtel Drouot tout ce que la capitale comptait d'amateurs éclairés, venus se battre pour acquérir des œuvres de Bonington, Decamps, Robert- Fleury, Isabey, Roqueplan, Delaroche, Scheffer ou encore Géricault…
'Le Lai d'Aristote' est le seul tableau d'Henri Lehmann figurant dans la vente. La préparation de cette commande peut être suivie en détail grâce au livre de raison du peintre où les noms d'Alexandre et d'Aristote apparaissent régulièrement entre février 1847 et octobre 1848. Le catalogue raisonné de l'artiste publié par Marie-Madeleine Aubrun en 1984 mentionne deux esquisses sur toiles et six dessins préparatoires à cette composition (2), témoignant de l'élaboration minutieuse à laquelle cet élève d'Ingres s'était plié. C'est la figure d'Aristote qui semble lui avoir demandé le plus de réflexion car l'ensemble des dessins lui sont consacrés, comme 'L'Etude d'homme nu agenouillé' conservée au musée du Louvre (R.F. 38917a, fig. 2).

Présenté lors de l'Exposition universelle de 1855, notre tableau suscita l'admiration de Théophile Gautier qui semble tout aussi charmé qu'Aristote par la jeune Indienne au " corps luisant comme du bronze neuf " et à la " désinvolture voluptueuse (3)". Il loue également l'élégance avec laquelle Lehmann a traité un sujet aussi inattendu.

Il semble cependant que la thématique de l'œuvre ne doive rien au hasard et cette scène prend un éclairage singulier si l'on s'intéresse de nouveau à son commanditaire. Nous l'avons dit, lord Seymour avait pour principale passion les chevaux et les courses. Son inventaire après décès révèle que le Lai d'Aristote était accroché dans son antichambre, dans laquelle ne se trouvaient par ailleurs que des tableaux à thématique équestre (4) ! Voilà un accrochage qui ne manquait pas d'esprit et qui est révélateur de la fantaisie toute britannique qui fit la réputation de lord Seymour.

1. T. Gautier, op. cit., p. 316
2. M.-M. Aubrun, op. cit., vol. 1, p.115-116, n° 298-299 et D. 300 à D. 305.
3. T. Gautier, op. cit., p. 316-317
4. H. Robert et B. Tupinier-Barrillon, op. cit., p. 32

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